Je me rejouis d'apprendre que vostre Illustrité a trouvé ses biens en assez bon estat et soubhaitte qu'elle puisse trouver de l'employ selon sa qualité près la Serenissime Republique, ce qui reussissant je la prie de donner à mon fils aisné, qui jusques à cest' heure est oisif, tel employ qu'elle trouvera bon.2
Je suis tres aise que quelques catholiques et quelques-uns de la Confession d'Ausburg en Allemagne commencent à penser aux moiens d'une reunion chrestienne. Certes, la division est un grand mal, estant plus grande parce qu'elle produict ou nourrit des guerres si sanglantes. J'ay acquitté ma conscience ayant après l'edition de mes Annotations sur Cassander3 deux fois respondu à monsieur Rivet,4 qui est de l'humeur de Geneve, c'est à dire qui tremble quand on nomme la paix.
Un mauvais homme, nommé Jan Seifferd d'Ulm, estant à present en Hollande gagné par mes ennemis, a faict imprimer en ce pais-là contre moy un livre sans son nom et après un aultre qui porte son nom, pleins d'injures et mensonges,5 disant que j'ay esté à la messe, que ma femme y a mené madame de Rantzou, m'appellant traistre et meschant et disant que j'ay perverti touts les colonels allemands,6 nommant particulierement vostre Illustrité et monsieur de Rantzou et feu monsieur de Fittinghoven.7 Monsieur Vicquefort8 et autres de la Confession
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d'Auspurch en Hollande destestent et l'auteur et le livre. Monsieur Hambreus le faict avec tant plus de raison, parce qu'il est traitté fort injurieusement au dernier livre.Ma femme et ma fille remercient vostre Illustrité et madame de Degenfeldt de la souvenance qu'ils ont d'eux et desirent les pouvoir servir regrettant d'avoir perdu une compagnie si agreable.9
Monsieur de Thou est fort regretté par tout le monde. On jugera mieux de ses affaires après quelque espace d'années. Mes ennemis travaillent fort en Suede pour m'oster de cette ambassade. Je suis resolu à tout.
Ceux du roy d'Angleterre et ceux qui se disent du parlement se sont entrebattus sans grand avantage de l'un sur l'autre.10 Le roy avecq vingt mille hommes marche à Londres. Le comte d'Essex, general des parlementaires, les suit. Il y a partialité presques dans toutes les provinces et ceux qui se trouvent les plus forts desarment les aultres. Dieu nous donne une bonne paix partout.
Je suis, monsieur, et soubhaitte la santé et prosperité de vostre Illustrité et des siens,
de vostre Illustrité le tres humble et tres obeissant serviteur.
25 Novembre 1642.
Bovenaan de copie staat: A monsieur le baron de Degenfeldt.