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Je suis tout à faict de vostre advis que le mareschal Torstenson ne sçauroit mieux faire que de se rendre maistre de Leipsich2 sans faire soigner les blessés et mesler tellement les nouveaux soldats avec les vieux que ceux-là ne puissent faire du mal. Si monsieur de Guebrian s'y joinct, l'armée sera belle.3 Je vous escris ce que j'ay faict auprès du roy et de ses ministres pour renforcer l'infanterie du mareschal de Guebrian et ne doubte point de l'effect. Le duc de Baviere tentera de nouveau d'avoir la France en sa faveur.4
La reyne d'Angleterre ne sçauroit prendre meillieur conseil que de venir en France, où sa Majesté trouvera des amis.5 Je ne crois pas que le parlement d'Angleterre veuille recevoir aucune entremise des puissances estrangeres, si ce n'est que l'argent leur manque, et seray bien aise d'apprendre l'issu de la sollicitation des desputez de l'electeur de Coulogne.6 La France croit estre assez puissante pour faire que les Provinces-Unies du Pais-Bas continuent la guerre quand mesme les Suedois en sortiroient, et tant plus pour ce qu'en cela elle se croit appuyée de monsieur le prince d'Orange.
L'histoire faicte par monsieur Hoofd n'est pas bien receue;7 la mienne si un jour elle vient en lumière le sera encore moins. Je ne fais poinct d'estat de la pouvoir faire imprimer ou en France ou en Hollande.8
Nous n'avons poinct de changement notable9 icy depuis la mort de monsieur le cardinal, sinon qu'il semble que les princes du sang à la cour precederont les cardinaux. Pour le reste, le roy ne veult pas que l'on croye qu'il ayt esté forcé par le cardinal et pourtant n'a pas voulu donner audiance à madame de Vendosme et a faict defence de laisser entrer au royaume et aux villes les relegués. Treville, Barada, Saint-Simon10 n'ont pas veu encore le roy. A monsieur le frere du roy on faict esperer quelque addoucissement, s'il se gouverne bien. Madame de Lansac demande sa demission n'estant pas trop bien avec la reyne, à qui le roy a donné le
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diamant qu'il avoit eu du cardinal disant qu'il venoit du plus grand ennemy qu'elle avoit eu. Le roy va au Conseil et cela va bien, mais qu'il dure. Les querelles sont grandes entre le mareschal de Bressé et madame d'Esguillon, et ledict mareschal recherche l'adjonction de monsieur le prince, promettant de faire cesser à cause de la minorité la renuntiation que sa fille la duchesse d'Anguien a faict touchant la succession.Entre les memoires que le roy a laissés au cardinal [sic], on dict qu'il y en a sur les causes de la punition et esloignement de plusieurs, sur celles de la guerre contre la maison d'Austriche, sur les moyens de la continuer ou de faire la paix, sur la reunion de l'eglise.
Monsieur d'Erlach est revenu à Brisac n'ayant rien peu faire contre Dutlingen à cause de l'opposition de Mercy. On croid le roy d'Espagne revenu à Madrid. Il y a des bruicts incertains qui disent que les Espagnols sont chassez de Tortosa et sont revenus au siege de Lerida et qu'au Piedmont les François assiegent Seraville. Les soldats du Lutsenburg ont pillé quelques villages de la France.
Il y a querelles entre messieurs de Harcourt et de La Millerai.
Je suis, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
Bovenaan de copie staat: M. Vicquefort.