Monsieur,
Je ne manqueray pas de donner advis aux amys es Grisons2 sur l'envoy d'un de leur à la cour, ce que je trouve aussy fort necessaire, et s'ils sont sages ils n'y manqueront point, mais au contraire, ils voudroyent sçavoir si l'on embrassera leur affaire à bon escient et à telles conditions qui soyent meilleures que par le passé touchant la restitution de la Voltoline qu'ils tiennent au bout de leurs doi[g]ts, et surtout il ne faut pas que la France touche à la relligion, mais la laisse en tel estat comme elle a esté l'an 1618.
Il y a un amy qui m'escrit de Bergamo d'avoir des lettres de Milan qui portent la surprise de la ville et chasteau de Tortone par les Espagnols,3 mais je n'y veux pas adjouster foy jusques au prochain ordinaire que j'attend[s] avec impatience, ceste nouvelle important fort à l'un et l'autre party, et les Espagnols regagneroyent par ce moyen leur passage de Final dans le Milanez plus libre. Pour le faciliter neantmoins ils en traittent tant avec le pape pour le passage de la cavallerie par son estat qu'avec les ducs de Parme et Modene, ausprès desquels a esté desja le comte de La Rocca4 et de là est passé à Florence, tant sur ce suject que pour induire les princes d'Italie à une bonne union pour la defence de leur patrie contre les François. A quoy travaille aussy fort le regent Casnati5 à Rome avec quelque apparence d'une conclusion, surtout à ceste heur que l'ambassadeur de France6 et celuy de Portugal7 en sont partis mal contens, le premier pour Florenyce, le second pour
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Livorne comme incognu pour retourner en Portugal sans avoir veu le pape, qui ne l'a pas voulu accepter à cause de ce qui s'est passé entre luy et l'ambassadeur d'Espagne, et pour dire à son maistre que s'il envoye une personne politique,8 il ne manquera de l'admettre à son audience et le recevoir en sorte qu'il en sera content. Mais ces sont des elusions pour gagner temps. Ainsi le pape est mal avec tous les princes cattoliques et sur le point de souffrir une nouvelle invasion dans son estat par les ducs de Parme et Modene, qui à ce que les derniers advis portent, devoyent entrer dans le Ferrarois sur la fin du mois passé, ayans perdu toute esperance de regagner Castro sans la guerre, le pape ne le voulant rendre sans que le duc de Parme ne demande au preallable son absolution9 et donne caution de n'offenser plus l'Estat de l'eglise et qu'il payera ce qu'il doit; ce que le duc ne fera jamais, sçachant que le pape veut incorporer l'estat de Castro à celuy de l'eglise. C'est un terrible tric et trac, qui mettra au dessous-dessus toute Italie, et des nouveaus prodiges arrivez à Milan et à Bergamo ne luy pronostiquent rien de bon.Icy on apprehende l'invasion de la Comtée10 par la France et je crain[s] que la division des Suisses la faira perdre, les seuls cantons cattoliques estans trop foibles d'empecher sa cheute. Je vous supplie de baiser les mains de ma part à messieurs les barons Bielky et Spar11 et que je n'ay pas encor receu mon argent ny ce que monsieur Spiring12 m'a promis.
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 5/15 de Jenvier, l'an 1643, que Dieu vous donne heureux et plein de contentement, car pour moy je ne l'auray dans ceste charge si on ne me traitte autrement.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 29 Ian.
En in dorso: 15 Ian. 1643 Marin.