Monsieur,
Pour responce de la vostre du 20 de ce mois2 je vous diray une grande nouvelle, qui est la surprise de la ville d'Uberlinghen, place bien forte et propre pour prendre celle de Costance, qui est en danger. Le gouverneur de Hohetvil3 avec la milice de Brisac a executé l'entreprise de nuict,4 s'estant saisy de la ville par escalade et fait rompre la porte avec un petard, par laquelle les soldats y sont entrez, y ayant tué quelques bourgeois qui estoyent en armes, car il n'y a point eu de garnison. Sur l'advis d'un tel succez une partie de l'armée vinariene5 est venue en nostre voisinage, sans doubte pour y planter la guerre et entreprendre sur Zell en restreignant tellement Costance qu'elle ne se puisse defendre à la longue. Les Petis Cantons en sont fort en alarme, ayant establi des gardes par toute la Turgovie, et voudroyent de là prendre la protection de Costance, si les protestans s'y vouloyent interesser, en quoy neantmoins ils sont encor fort doubteux, se contentans pour le present de garder le Rhin avec eux et empecher qu'on n'assiege Costance dans leur territoire comme a fait monsieur le mareschal Horn.6
L'ambassadeur de France me mande qu'il est en bonne intelligence avec le canton de Soleure,7 où il demeure fort librement, sans qu'il y ait rien de ce qu'on a voulu dire qu'il y fut comme confiné en sa maison, mais il est en differend avec les cantons alliez de Milan à cause d'une levée qu'ils ont accordé au roy d'Espagne de passer la mer pour l'aller servir à la garde de sa personne,8 ce qu'il dit estre au prejudice des traittez de paix, alliances et lettres de revers, lesquelles portent que ny la France ny eux ne pourront donner du secours directement ny indirectement sans dol et fraude aux ennemis de l'une et de l'autre des parties, excepté au duché de Milan pour la defence d'iceluy. L'on attend
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pourtant si leurs gens passeront en Espagne et s'ils voudront secourir la Franche-Contée, car en ce cas la France pourroit renoncer à leur alliance qu'ils ont tant de fois faussée, quoy fait voila la Suisse partagée en des factions, [ce] qui à la fin produira une guerre intestine parmy eux. C'est le fruict des pensions que les estats libres en tirent, et je ne trouve pas estrange si la France, ayant donné tant de millions aux Suisses, les traitte comme en sujects: le mesme mal a ruiné les Grisons.Les Espagnols se preparent à reprendre le chasteau et la ville de Tortone9 et attendent de Naples 6 mille combattans et deux millions d'or, destinés pour la conservation du Milanois qu'ils veulent defendre avec toutes leurs forces.
Je vous advertiray de ce qui suivra et demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
La mauvaise saison empeche le duc de Parme de passer dans l'Estat ecclesiastique10 et cependant le gran[d]-duc traitte encor son adjustement à Florence.11
Bovenaan de brief schreef Grotius: Suisses, Grisons, Parme, Constance, Solturn. Levée en Suisse pour la guarde du roi d'Espagne. Ne sont obligez que pour le Milanois. Paix de Parme. On attend au Milanois 2 millions d'or ...
En in dorso: Ian. 1643 Marin s.d.
In dorso staat in een andere hand: Anno 1643.