Monsieur,
L'ordinaire de France ne m'a pas apporté de vos lettres. C'est pourquoy celle-cy ne sera que pour vous reccommander cy-joinct paquet, et vous diray que nos Suisses sont desja assemblez à Bade2 et, comme je crois, les Grisons de la faction d'Espagne y sont aussy,3 demandans secours contre la France et qu'on ne permette point de passage contr'eux, car ils disent d'estre contans de la maison d'Austriche et d'Espagne. L'ambassadeur de France s'en offence non sans suject,4 mais les bons n'en peuvent rien, n'ayant point d'assistance pour s'opposer à la faction contraire, qui fait tout ce qu'il luy plait es
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Grisons. Ils ont neantmoins donné quelque ordre à un de Salis5 pour faire quelque ouverture de leur reconciliation avec la F[rance], qui a ordre de vous en parler et se servir de vostre advis en cela, et ce qu'il vous en proposera, je vous supplie de m'en advertir.Les Espagnols pressent le chasteau de Tortone et tachent d'abbattre le couvent de Saint-Domenique, que les François tiennent encor dans la ville s'y estans fortifiés. On dit neantmoins qu'ils ont faute des vivres et des munitions de guerre, ne pouvans tenir qu'un mois si entre ce temps-là le prince Tomas ne les secourt.6
L'ambassadeur de France est à Rome7 fort caressé et espere de disposer le pape à un accommodement avec le duc de Parme, dont on traittera mesme à Venise. Le marquis de Los Velez sera gouverneur de Milan,8 où les eccles[ias]tiques sont recerchez de contribuer leur part pour la guerre et on en demande la grace au pape.
Je crain[s] qu'une bonne part des Suisses ne commettent la mesme faute contre la France comme les Grisons, ce qui leur attirera à la fin la ruine que ces peuples montagnards ont bien merité.
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
Il y a un bruit qui court que le roy de Denemarc9 veut prendre les armes en faveur de l'empereur. S'il y en a quelque chose, je vous prie de m'en instruire.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 29 [Martii].
En in dorso: Febr. 1643 Marin.