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Monsieur,
J'ay veu icy monsieur Grosnigh,2 et ayant appris ce que desire madame la landgravin, la santé du roy ne nous permettant pas encore d'avoir audience prèz du roy, laquelle nous esperons d'avoir sitost que sa Majesté sera revenue de Versail, j'ai creu estre de mon devoir de m'addresser à monsieur le comte de Chavigny et luy recommander ce que sa Majesté3 desire, et principalement que l'armée du mareschal de Guebrian, qui en diverses rencontres a perdu quatre mille hommes et est revenu à Brisac, puisse estre renforcée et employée dans l'Allemagne. Monsieur le comte de Chavigny m'a dit que le roy envoye à laditte armée quatre mille gens à pied et qu'il envoyera aussi de la cavallerie et employera laditte armée là où le requiera l'utilité de ses affaires et de ses amis. Le mal est que ces gens de pied qu'on envoye, sont de regimens estrangers, pas trop satisfaits à cause d'un nouveau mesnage fait à leur despens. Et combien que monsieur Erlach croyt qu'on ne fera pas bien de faire la guerre prèz du lac de Constance et qu'Uberlinge ne vaut pas la peine de la fortifier et defendre, je vois qu'on y envoye huict cents hommes à pied, cinq cents chevaux et quelques brigantins.
Nous attendons en peu de jours les Espagnols en campagne du costé du Pays-Bas. Les armées du roy se preparent aussi pour marcher. On a envoyé à Nizze quatre mille hommes par mer, et de l'argent pour Casal. Et croit-on que le prince Thomas va pour reprendre la ville de Tortona et que La Motte en Lorraine patit à faute de vivres.
Le corps de la roine-mere est mis à Saint-Denis. Monsieur le frere du roy est de nouveau mal avecq le roy à cause de trop libres discours de ses gens sur le fait de la regence si quelque chose arrivoit à sa Majesté. Le lieutenant civil de cette ville, s'estant opposé un peu rudement à la trentiesme qu'on veut lever sur les maisons, disant qu'il fera trouver [pour] le roy les six millions qu'il cherche dans six maisons à Paris s'il plaist au roy de luy en donner ordre, a esté demis par le roy de la charge et relegué en Berry.
L'ambassadeur de France retourne à Rome. Le pape se dispose à l'accommodement avecq le duc de Parme, permet au roy de nominer les evesques en Catalogne, donne au frere du cardinal Mazarini la charge de Padre maestro del Sacro Palazzo au lieu du general[at] des jacobins.
On se contente icy du passeport envoyé par le roy d'Espagne ‘voor de Staten-Generaal’ des ‘Vereenighde Nederlandsche Provinciën’. On escoute icy les propositions du duc Charles pour se raccommoder avecq la France. Si on le peut faire, ce sera tant de la paix osté. Ce qu'il vous a pleu me mander et ce que j'apprens d'ailleurs touchant l'assemblée à Francfort monstre que les princes allemans desirent la paix, et il est à croire que la cour d'Espagne par le changement qui y est arrivé, s'y disposera aussi. Je ne trouve pas estrange que les Fransois aient voulu faire croire à messieurs les Estats que l'empereur ne leur est pas moins ennemy que le roy d'Espagne, mais c'est à messieurs les Estats de distinguer leurs interests de ceux de la France.4
Je suis marry que la roine d'Angleterre a receu tant de subject pour estre mal satisfait de la province d'Hollande et qu'il ait fallu que monsieur le prince d'Orange pour si peu
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de choses a employé son authorité.5 Tout ce mal ne procede que des gens de l'eglise, qui ne peuvent ny se tenir en repos ny laisser d'autres en repos. Le prince Guillaume de tres haute memoire6 a souventes fois remonstré aux Estats qu'il faut tenir ces gens en bride.Tout asteure le duc d'Anguien me vient voir, estant sur son depart pour revoir la frontiere et se mettre en campagne sitost qu'il y aura de la pasture pour les cheveaux. J'ay recommandé à son Altesse nos affaires et ceux de madame la landgravinne. Il m'a promis d'y travailler et principalement afin que l'armée du comte de Guebrian soit employée dans l'Allemagne.
Je demeure, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
14 Febvrier [sic] 1643 à Paris.
Les Espagnols en Catalogne ont esté repoussez de l'attacque faite à Miravet. Nous apprenons qu'on traitte entre le roy d'Angleterre et le parlement d'une trefve et de licentier les armées. Cependant des compagnies entieres du parlement se donnent au roy, et le comte d'Essex, qui est à Windsor, ne peut entrer au chasteau.
Bovenaan de copie staat: M. Vicquefort.