Monsieur,
Après la derniere escarmouche arrivée aupres de Cento2 on nous mande advis de deux autres plus gagliardes, qui se sont faites sur le Modeno[i]s et le Boulonois entre les papalins et ceux de la ligue, dont les Venetiens ayans voulu attaquer Crevacoeur3 près de Boulogne en furent repoussez avec quelque perte et de gens et du canon, et ceux de Modene sont encor aux mains avec les papalins, qui à ce qu'on escrit n'ont pas encor quitté le Modenois, quasi tout ruiné horsmis les places fortes. Mais on y va à cest'heur avec plus des forces pour les en desnicher tout à fait, cependant que le gran[d]-duc attaque
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le duché d'Urbin, y ayant desja pris Castiglion del Lago et comme quelques-uns veulent mesme la ville appellée La Pieve.4 Les ministres d'Espagne à la resqueste du pape5 s'interposent vers le duc pour quelque accommodement et promettent la restitution de Castro, mais il n'y veut pas entendre sans le consentement des alliés conforme leur derniere convention; aussy ne s'y fient-ils plus, ayans esté par cy-devant trompez et voyans que le pape ne fait qu'armer et implorer l'assistance tant du vice-roy de Naples, qui en vertu du fief de l'esglise luy doit fournir 8 mille hommes, que de ceux de Genes et d'autres feudataires du Siege de Rome.Nous verrons ce qu'en sera et vers où prendra sa route monsieur Guebrian, qui se tient aupres de Schafusen avec 15 mille hommes,6 ausquels on fournit d'icy et d'autres lieux protestans quantité des vivres, ce qui nous cause des gran[des] incommodités et met en une nouvelle alarme les cantons espagnolisez,7 qui croyent qu'on veut attaquer à Costance et allumer par ce moyen la guerre en Suisse. Ils sont à cest'heur assemblés à Bade avec d'autres cantons, où il y a de grans debats entre eux et les protestans, et l'ambassadeur de France8 y est aussy attendu. Les Austrichiens ne manquent pas de souffler au feu et se trouvent fort malcontens qu'on fournit des vivres à l'armée de France.
J'y joint ce peu que j'ay d'Italie9 et pour fin vous supplie de me dire si l'argent de France a esté desja payé à la Suede et si monsieur Heuf me veut assister de quelque peu d'argent,10 celuy que j'ay eu d'Hollande ayant esté attrappé par mes creanciers.11
Je demeure, monsieur,
tout le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 29 de Juin 1643.
Il y a quelque bruict icy que le prince de Condé12 s'est retiré de la cour et qu'il y a à craindre quelque esmotion en France, dont je vous supplie de m'esclaircir un peu.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 22 Iulii.
En in dorso: 29 Iunii 1643 Marin.