Monsieur,
Je vous puis asseurer de l'affection tres cordiale de monsieur le surintendant Bailleul pour vous.2 Ceux qui cognoissent ses qualitez souhaittent de le voir chancellier, mais celuy qui tient cette place se maintient par force d'argent, n'estant pas bon dans l'esprit de la reine pour plusieurs raisons.3 Monsieur de Chavigny, tombé sur des roses comme dit de
401
luy monsieur le marescal de Bassompierre,4 fait encore estat de seconder monsieur d'Avaux aux affaires de la paix, mais il n'est pas hors d'apprehensions de ce que lui pourroit arriver, la cour à present estant subjecte à des grandes revolutions.5 Dieu veuille que ce soit pour le bien general de la France et des alliez. La duchesse d'Anguien6 s'accouchera bientost, celle de Longueville est grosse et Madame espere de l'estre. Le cardinal Mazarini se maintient par de subtilitez calabroises.On envoye de l'argent et des gens au duc d'Anguien et le duc d'Angoulesme s'y est joinct. On envoye au marescal de Guebrian quelques regiments, dix pieces de canon et ce qui luy faut. On dit qu'on a veu son armée près de Basle, autres disent entre [Hohentvil et Celle]. On a envoyé au marescal de Motte-Odincourt deux millions et demy de livres et outre ces neuf galeres qui y estoyent, vingt et quatre autres navires pour conserver la possession de la mer. Et les ministres de la reine m'asseurent qu'il n'y a aucune armée espagnolle en ces quartiers qui lui puisse empescher d'entrer au pays de Valence.
Le prince Thomas a aussi receu de l'argent et croit-on qu'il attaquera quelque place au Milanois. Les ambassadeurs de Venise et autres amis du duc de Parme ont quitté Rome sans dire adieu au pape. On dit que leurs trouppes ont receu quelque eschec. Mais le pape ne pourra resister contre une ligue si forte, la France ne le voulant, l'Espagne ne le pouvant soustenir.
Beck s'augmente. Le duc Charles, quoyque cerchant icy les voyes d'accommodement, ne laisse de commander aux trouppes de Baviere et de sa ligue. Le duc de Baviere resuscite les propositions de l'union des trois cercles et offre à ceux qui n'ont point de l'argent assez pour fournir leur quote à l'entretenement de vingt et cinq mille hommes qu'on juge necessaires pour la defence de ces quartiers, de leur en prester moyennant qu'on luy donne des villes pour hypotheque. L'empereur desire que l'assemblée qui est à Francfort subsiste ou là, ou en quelque autre ville gueres loing de là, pour traitter des contributions, remettant l'affaire de la justice jusqu'après la paix. Les princes qui eussent mieux aimé de transferer cette assemblée à Munster et Osnebrug, si cela ne se peut faire, desirent que de l'assemblée on envoye des deputez aux traittez qui facent rapport à l'assemblée.
La Sicile et Italie tremblent voyant le Turc en mer avecq soixante galeres, douze galeasses. Le duc de Nemours espouse mademoiselle de Vendosme. Hautefort estant très bien dans l'esprit de la reine est recerchée de plusieurs. S'il y a du manquement d'argent en France il est certain qu'il est plus grand en Espagne, où le roy a pris à emprunt des vaiselles d'argent des eglises et des seigneurs. Icy on espere de tirer des financiers et partisans neuf millions soubs le nom d'emprunt pour les rendre à l'année 1645 avec l'interest de dix par cent, duquel remboursement je ne voudrois estre caution.
La ville d'Hambourg7 me fait pitié, n'ayant plus à pretendre d'estre admise aux assemblées comme ville imperiale. Je suis marry de ce que j'apprend qu'en Escosse on s'est saisi de ceux qui vouloient faire service au roy de la Grande-Bretagne et que sa Majesté est menacée de vingt mille Escossois. Icy on a de bonnes intentions pour leurs Majestez, ce qui sera si on peut donner des bonnes asseurances que le conseil du roy ne sera plus dependant de l'Espagne. On ouvre les trenchées devant Thionville. On nous dit
402
que les gens de l'electeur de Majence ont quitté le Bergstraz, ayant peur des trouppes fransoises; que le landgraef de Darmstad a engagé ses joyaux aux juifs. Ceux de Hesse qui se sont separez des Fransois ont esté veus près du Mein et du Neckar, ceux de Baviere près de Billingue.On minute icy un edict rigoureux contre les duels. Sainctimar, estant de la religion et ayant esté du conseil d'Estat, y est remis par la reine et l'edict pour ceux de la religion verifié. Monsieur de Coigneux ne veut pas prendre de l'argent de monsieur de Chavigny pour luy laisser la charge [de] chancellier de monsieur le duc d'Orleans.
Je suis, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
J'ay parlé avecq vigueur pour madame la landgravin à monsieur le comte de Brienne.8 J'espere que ce ne sera pas sans effect. On nous dit que le pape a trente mille hommes et que ses gens ont pris et pillé Cesareo, Spilimberto, Castelnovo, que les trouppes des ducs de Parme, de Modene, et de Venise ont assiegé Cento au Ferrarois et que le grand-duc va attaquer Castiglione del Lago, que ceux de Venise, si la guerre dure, veulent attaquer les ports, les autres le Ferrarois, comme ils ont commencé, et le Boulonnois. Gressy est party d'icy vers le roy d'Angleterre et fera de bonnes ouvertures.
Bovenaan de copie staat: M. Vicquefort.