Monsieur,
Je puis tant comprendre de vos lettres du 4 courrant2 que les ambassadeurs de France destinés à la conferance de la paix de Münster ne partiron[t] plustot de Paris qu'ils n'ayent asseurance que Thionville est sur le point de se rendre,3 leur important fort que la France aye ce morceau entre ses mains. Mais j'appren[ds] que le duc de Lorraine se va joindre au Beck pour aller au secours de ceste place-là4 et que don Melos se joindra à eux, ayant peu à craindre des Hollandois, qui en tout font voir qu'ils sont bien malades au dedans. Monsieur Guebrian ne fait aussy rien de consequence,5 estant peu fort pour competer la campagne aux Bavarois, oultre qu'il y a de malentendu entre luy et les chefs, dont Tubadel6 se plaint qu'il n'ait pas esté secouru par luy en une action qui s'est passée près d'Uberlinguen, où il pouvoit desfaire et ruiner deux mille chevaux et mille à pied s'il eust eu du secours à temps.
Je croir[ai] que dans le Milanois les François ne feront pas aussy gran[d]-chose pour cest'année, ayant abbandonné la ville d'Alexandrie, qu'ils ont fait sembleant vouloir assieger, mais l'ayant trouvée bien garnie de tout, ils s'en sont allez pour assieger celle de Valence ou Trino,7 où ils peuvent avoir plus aisement des vivres du Piedmont et Monferrat. Les papalins ont passé le Po et sont entrés dans Polesinois8 pour en chasser les Venetiens, ce qui fait qu'on y tourne toutes les forces de la ligue,9 qui n'a pas encor gagné trop sur le pape, qui luy tailleroit bien de la besogne s'il avoit un peu de secours de dehors.
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Au reste, monsieur, j'ay receu des lettres de Suede qui me donnent bien esperance pour le secours d'un autre argent, mais que cela ne se pourra faire que vers l'hyver, et parce que j'ay besoin d'un peu d'argent pour la necessité de ma famille grosse de dix personnes10 et que mon creancier ne me donne que ce qui me faut pour vivre journellement, et ce mal volontiers, je vous supplie, monsieur, de m'accommoder en ceste occurence de cent 50 ou deux cent dalers par monsieur Heuf,11 lequel vous y pourrez bien disposer, et aussytost que je recevray mon change je le vous rendray ou à qui [vous] m'ordonnerez. Aussy vous en donray-je mon obligation si vous la desirez. C'est un affaire qui ne souffre point de deslay, autrement je ne vous voudrois donner ceste incommodité, dont neantmoins je tacheray de m'en revancher en toutes occasions de vostre service et de celuy de monsieur vostre fils, et demeureray toute ma vie, monsieur,
vostre serviteur redevable,
C. Marin m.p.
Je vous supplie, monsieur, de me gratifier au plus tost en ma demande, qui est si pressante que je vous en auray de l'obligation extraordinairement, et mesme l'honneur de la couronne y est interessé.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 2 Sept.
En in dorso: 23 Aug. Marin 1643.