Monsieur,
Si on tient ce que m'on a promis touchant l'armée du marescal de Guebrian, tout ira bien.2 Mais il y en a qui croyent que l'appetit qu'ont les François pour avoir la ville de Treves ou celle[s] de la Franche-Comté pourroit apporter du changement.
Le duc d'Anguien marche avecq douze mille hommes.3 Le duc Charles a ses trouppes sur la Moselle dans ou proche [de] Lorraine et ne laisse pas de traitter icy, avecq apparence, comme on croit, du succes pour la faveur de monsieur le duc d'Orleans, lequel cependant n'a peu obtenir de la reine ni le gouvernement de Champagne ni la citadelle de Verdun, comme aussi monsieur le prince n'a pas obtenu l'eschange du gouvernement de Languedoc pour celui de Bourgogne. Au pais de Rouargue, qui est entre Languedoc et Guienne, il y a du remuement contre la taille, tel que les mutins tiennent et assiegent et battent des
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villes, à quoy on espere que le duc d'Espernon, qui [y] est allé, apportera du remede.Je n'ay peu voir la reine à cause de sa jaunisse, mais ma femme l'a veue, sa Majesté estant au lict sans fiebvre. Le duc d'Orleans reviendra de Blois Lundi prochain. Le marescal de Chastillon va vers Guise pour guarder la frontiere.
En Italie Trin est tombé entre les mains des François le 27 de Septembre; mille gens de pied et quatre cents à cheval y sont sortis, et servira cette conqueste pour asseurer Casal et la navigation du Po du costé [de] Piedmont et pour incommoder Pont de Stura. Les Toscans continuent à assieger Cisterna et ceux de Venise Lagoscuro. En Espagne les Castellans qui estoient venus en Catalogne sont repassés la riviere de Zinqua vers l'Arragon et le marescal de La Motte-Odincourt, qui s'estoit tenu entre Fragues et Lerida a, ce dict-on, faict un pont sur la mesme riviere pour talonner les ennemis. Les Grisons donnent passage à quatre mille hommes allants au service de Venise.4
Deux gentilhommes, amis ou domestiques du duc de Vendosme, ont esté mis à la Bastille pour voir si on peut par ce moyen trouver des tesmoigns contre le duc de Beaufort qui manquent jusqu'à present. On a suspendu les payemens des arrerages deus par le roy et veut-on que tous les officiers donnent une somme pour se resjouir de l'advenement du roy à la couronne. Monsieur d'Avaux s'arreste encore en ses maisons et mene avecq lui l'ambassadeur de Portugal, prenant le chemin de la Meuse comme aussi fera monsieur de Servien. Monsieur Godefroi, qui servira de conseil aux ambassadeurs, ira par mer. La reine est entrée au palais qui a esté au feu cardinal. Au bout de cela est un jardin et au bout du jardin le logis du nouveau cardinal et un bon corps de guarde entre ce giardin et la porte de son Eminence.
Nous apprenons d'Angleterre que le combat donné à Neuburi a eu l'evenement egal. Que les parlamentaires après longue deliberation sont resolus de recevoir le comte d'Harcourt avecq les honneurs deus à sa naissance et à son ambassade, quoyque mal satisfaicts de ce qu'il porte deux cens mille escus au roy d'Angleterre. Outre cela sont parties d'icy des armes pour armer douze mille hommes et arrivées à Rouen pour de là estre portées en Angleterre. On parle icy du mariage entre le prince de Gales et la fille du duc d'Orleans.
Les Bavarois se ventent d'intelligence avecq la France; ont quatorze mille hommes deça le Rhin près de Cronweissenburg. L'evesque de Bauvais, voyant d'autres evesques revenir en cour, dict ne desirer pas de revenir pour ce qu'il ne sçauroit pas changer d'advis. Monsieur de Noyers est revenu à Paris, a veu la reine et le cardinal, aura soing des bastimens du Louvre, Fontainebleau et d'une sepulture qu'on veut faire au dernier roy. Il est rentré par la recommendation des gens d'eglise et espere de revenir en plus grand employ.
Le pape entre le dernier nombre de quinze cardinaux en a faict quelqu'uns qui ne sçavent non plus de Latin que s'ils estoient nez soubs le pole antarctique. La prise de l'empereur5 si elle estoit reussie ne nous eut pas causé de moindre haine que celle de François Premier à Charles Quint.6 Nous n'avons pas des cages pour de tels oyseaux.
Je seray bien aise d'apprendre la suitte et succes de la dispute sur l'instruction et serment des deputez aux Estats-Generaux.7 Mon opinion est, puisque les deputés y viennent comme procurateurs de leur province, que chaque province peut donner à leurs deputés telle instruction qu'elle veut, moyennant que cela n'apporte pas des troubles aux affaires de l'Union. Les ambassadeurs de cet estat-là qui iront en Angleterre8 n'auront
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rien à faire qu'à seconder les ouvertures que fera le comte d'Harcourt. Autrement ils ne feront rien que de tesmoigner leurs intentions injustes et pleines d'ingratitude.Je suis, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
A Paris, 10 Octobre 1643.
Nous apprenons à present que le marescal de La Motte-Odincourt, n'ayant peu passer la Zinca, est retourné re infecta à Barcelone. Que le pape a receu de nouveau deux mille Suisses et sept cents Monferrains, et espere d'avoir trois armées, une à Viterbe, l'autre à Perugia et la troisieme à Castello. Que les imperiaux ont failli de prendre Oberlingue. Que Southampton est assiegé par le prince Maurice palatin, Hul bloqué par quelques gens du comte de Niewcastel, le reste de ses trouppes estant dans les lieux où ils peuvent empescher l'entrée des Escossois dans l'Angleterre en cas qu'ils y viennent.
Bovenaan de copie staat: A monsieur Vicquefort.