Monsieur,
Je voy par la vostre du 22 finissant2 que les troubles d'Escosse ne sont pas encor appaisées, et seray pourtant fort aise d'entendre de vous la suite d'icelles, le résidant d'Angleterre3 ayant escrit icy qu'elles estoyent sur le point d'estre bientost accomodées et que toute cest'armée d'Angleterre iroit fondre en Allemagne pour restablir le palatin4, ce que ie ne puis croire pour plusieurs raisons.
Nos Suisses sont encor à Bade trouvant bien estranges les propositions de l'empereur5, surtout celles qui touchent la conjonction de leurs forces pour chaster le duc Bernard6 de la Bourgogne et hors de tout ce qu'il a conquis auprès du Rhin, le pas et repas par leurs terres, la cassation des trouppes promises à la France qui néantmoins nonobstant tout cela sont desià despêchées en France pro proportione cuiusque cantonis, et de seul Zurig sont partis avanthier six sent hommes, tous braves gens. On trouve que les petis cantons ont promis à l'Espag-
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nol7 Xm hommes pour le secours de la Bourgogne ce qu' à cest'heur ils ne peuvent effectuer, et nos protestans ne veulent consentir à aucune conjonction ny au pas et repas et si les romanistes sont sages ils feront de mesme.Nous attendons journellement nos députez de Bade8 au retour desquels ie vous sçauray donner plus de particularitez de leurs négociatiations (sic) avec l'ambassadeur de l'empereur9 qui, come ie croy, n'obtiendra guerres des Suisses, ayant les protestans contraires. Dans huict iours on célèbrera parmy eux un jeune général, qui est un bon acheminement à faire mieux à l'advenir pour nous, si come en effect ils nous promettent.
L'on m'escrit que le gran seigneur10 ne se contente de Bagadat, mais demande du Persan toutes les villes et provinces possédées parcy devant par les ottomans, ayant à telle fin retenu son ambassadeur11 jusques à la prise de Bagdat après laquelle il l'a despêché vers son maistre12, menaçant que faute de cela il entreroit en Perse se tenant pourtant encor à Diarbekyr où il attend des nouvelles forces de Constantinople.
L'assemblée des Grisons a estée éventée par les menées des Espagnols, qui par le bruit qu'ils ont fait courir du partement de leurs ambassadeurs13 d'Espagne ont fait resouldre le peuple à attendre au préallable le retour des députés, ayant autrement déliberé d'entrer en Valtoline à main forte sans en attendre l'ordre d'Espagne. Mais i'ay veu des lettres d'un personnage de qualité qui portent qu'ils y sont encor, sans qu'on sçache quand ils en partiront et que c'est la volonté du roy14 qu'on érige un collège à Coire pour y instruire les Grisons en la religion romaine. Nous verrons bientost ce qui en sera et an patientia toties laesa tandem in furorem desinet qui tandem ut opinor arma eos sumere coget.
Au reste ie vous prie, monsieur, de presser le sieur Heuf15 qu'il m'accomode encor d'une partie si les descomtes ne sont pas arrivées, la despence en Suisse où le prix de toutes choses croît journellement estant bien grande surtout à moy qui suis chargé de famille et des gens que i'entretiens pour le seul respect de ma charge.
Ie vous baise les mains et demeure, monsieur,
Tout le vostre
C. Marini.
De Zurig, ce 28 de Mars l'an 1639.
On nous escrit que Friburg en Saxe s'est rendu au Banier16 et que Dresden et Leipzig sont bloques l'électeur17 s'en estant retiré de Königstein. Ie joints icy ce que i'ay d'Italie18.
In dorso schreef Grotius: Le 28 Martii 1639 Marin.