Monsieur,
Il y a apparence que la diète de Bade2 sera bien chaude, puisqu'au préallable on doit tenir un' autre particulière à Lucern où on attend l'ambassadeur de l'empereur3 après-demain pour préparer les esprits des cantons cattoliques à l'acceptation de ce qu'il voudra proposer généralement à Bade, où à mon advis on demandera la cassation des levées promises à la France par les protestans et refusées desià par les romanistes, le passage et vivres pour le recouvrement de la Bourgogne et de Brisac, points tout à fait contraires à la neutralité et lesquels on
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ne pourra ne permettre ny refuser sans offenser dangereusement l'un et l'autre party.Ie prévoy bien que pour éviter les brouilleries dans la Suisse on voudroit prendre en séquestre la Bourgogne à condition que les Suisses de l'une et l'autre religion la tinssent tant que la paix ne se fait, mais ie doute de la France si elle y voudra condescendre, et tant de délais qu'on employeroit par l'envoy des députés seroit nuisibles à tous deux partis.
Cependant on nous asseure que l'empereur viendra à Augspurg pour estre plus proche du Rhin et donner des ordres nécessaires à l'armée qu'on veut envoyer pour le recouvrement de Brisac et le secours de la Bourgogne qui est aux abois et n'y a que Dol qui puisse un peu tenir. On se promet néantmoins beaucoup de la diversion d'Espagne qui doit attaquer la France de deux costés et, si l'empereur peut, il ne manquera de faire le mesme du costé de la Bourgogne.
Ce qui se passe en Italie vous les verrez par cy-joincte relation4, et de l'expédition des députez Grisons5 on doute qu'elle soit bonne, puis ce que les trois ligues n'en ont point advis et tout ce qu'on en escrit vint de Milan. Seulement monsieur Priaulan6 a esté à Coire en intention d'aller à Venise et soubs ce prétexte taster le prix des Grisons comme ils sont affectionnés à la France, mais par sa venue là donne tant d'ombrage aux chefs partisans d'Espagne qu'il y a falu qu'il rebrousast son chemin et s'en retournoist à Genève.
Les advis de Leipzig portent que Banier7 a passé la Sale et ayant pris Hall estoit sur le point de mettre le siège devant Leipzig, ce qui donne une gran espouvante en ces pays-là.
Au reste ie voy par la vostre du 1. courrant8 que les descomtes ne sont pas encor arrivées de Suède, ce qui m'afflige fort ne sçachant à quoy me résouldre. Il est bien nécessaire en ceste conjoncture des affaires que ie demeure icy, mais si monsieur Heuf9 ne me paye ce mois au moins d'une partie, ie ne sçais sur quoy me plus fier estant vraysemblable que les descomtes qu'on attend depuis tant de mois ne viendront pas sitost. Cependant nos intérêts nous pressent de pourvoir à ce que ma femme10 a dans la Voltoline, et sans l'argent ie ne puis remédier à rien. Oultre ce que monsieur Heuf me doit, mon gage me reste desià en arrière pour un an dereschef, chose du tout contraire à ce qu'on m'a promis. Si vous pouvez extorquer quelque chose de plus de monsieur Heuf ie vous supplie de m'en obliger et par ce moyen me délivrer de ce fâcheux voyage de Suède, auquel à ceste heur n'estant pas trop bien dispos i'ay peu de volonté.
Ie vous baise les mains et demeure passionnément, monsieur,
Vostre serviteur redevable
C. Marini.
De Zurig, ce 7/17 de Mars l'an 1639.
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Monsieur Haga11 me confirme la prise de Babylonie par assaut et non par accord, come les Vénétiens publient et auquel le gran seigneur12 auroit contrevenu. Le premier visyr13 a esté tué en ceste prise qui est arrivée le iour de Novel et a esté facilité par ce qu'on a rempli la fosse de 14m sacs de laine sur lesquels les Turcs marchèrent pour entrer dans la ville par la brèche fait un peu devant.
In dorso schreef Grotius: 17 Martii 1639 Marin.