Monsieur,
Depuis trois sepmaines en ça ie n'ay point de vos lettres, ce que m'afflige fort, estant sans vostre correspondance abbandonné icy de tout le monde. Ie vous confesse de vous estre trop importun et n'estoit sur l'appuy de vostre affection envers moy i'en aurois honte, aussy veux-ie espérer qu'attribuerez le tout à mes très grandes extrémitez qui me travaillent tant que c'est un miracle que ie ne suis pas mort. Ie ne sçai quel party prendre, ne voyant encor aucun effect de mes gages qu'on me doit pour trois ans, les retardement desquels m'a certes reduict icy quasi ad stipem et ludibrium hominum. Si vous sçaviez come ie suis travaillé de mes créanciers, vous vous en estonneriez, et ie n'y sçaurois remédier sans argent, moins user des bains que les medecins me conseillent et qui sont propres pour ceste saison. C'est un gran malheur qu'on m'abbandonne de telle façon, sçachant néantmoins tout le monde que ie suis exilé et sans le gage ne puis nourir sept personnes et entretenir tant de correspondances. Ie n'ay personne qui m'aide de conseil et d'assistance, prie seulement Dieu qu'il me prolonge la vie tant que ie puisse honnestement payer mes deubtes, pour ne laisser ma femme2 en telle infamie après ma mort. Ie dirois plus si ie ne craignois offencer Dieu, aussi querelae sine remediis nil juvant, sed augent dolorem. S'il y a quelque moyen ie vous supplie de disposer monsieur Heuf3 qu'il m'assiste pour le moins de deux ou trois cent dalers, car il faut que ie mendie journellement tout ce qu'il me faut come le plus pauvre home du monde, ce qui est bien peu honorable pour la Suède, qui faisant des actions si grandes ne devroit pas tant abbandonner son ministre, surtout en Suisse ubi avaritia hominum est in extremo.
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Pour des nouvelles vous les verrez par cy-jointes pièces4 et aussy tost que mon esprit se sera un peu relevé ie ne manqueray point de vous entretenir dignement, comme faisant profession d'estre enviolablement, monsieur,
Vostre très affectionné serviteur
Marini.
De Zurig, ce 20/30 de Juin 1639.
P.S. Je vous supplie de joindre ces deux pièces des Grisons au paquet de monsieur le gran chancelier5 car i'en fais mention dans mes lettres.
In dorso schreef Grotius: 30 Iuny 1639 Marin.