Monsieur,
Le bon souhait qu'il vous a pleu me tesmoigner par vostre dernière2 pour la prospérité de mes affaires en ceste nouvelle année, je le vous rend[s] avec la mesme affection, priant le bon Dieu qu'il me vueille conserver un si bon amy que vous l'estez en mon endroict, pour longtemps en longue et heureuse vie.
Je vous remercie aussy très-humblement de l'espérance que me donnés sur le reiglement plus exact de nos payes. Le mesme on me fait espérer de Hamburg, mais parce que ces délais tirent trop à la longue, sur vostre advis j'escris à ceste heure à Mon.r Heuf3 pour le parach[èv]ement de ce qui me doit, et si vous pouvez impétrer quelque chose pour moy, je vous en auray beaucoup d'obligation. Pour le moins attendray-je responce de luy sur cest affaire.
En Suisse les Bourguignons et d'autres ministres d'Espagne4 pressent derechef les Suisses afin qu'ils se résolvent à secourir la Comtée de Bourgogne qui est aux abois, mais je ne vois point de moyen com[m]e cela se pourroit faire, les cantons cattoliques estans si mal avec Espagne et les protestans n'osans offenser la France, et sans leur assistance toutes menées des petis cantons réussiront frustratoires, surtout si le nouveau ambassadeur de France5 sçaura bien manier les Suisses, qui autrement se monstrent plus jaloux de la France pour le présent que d'aucun autre prince leur voisin.
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L'accord fait entre le prince Thomas et la France6 n'est pas encor ratifié, mais il s'est abbouché pour cest effect à Nize avec son frère le cardinal et bientost sçaurons-nous ce qu'ils auront conclu ensemble.
Ce qui se fait à Rome, vous le verrez par cy-joints advis,7 qui viennent de bonne main. De Perse a escrit l'ambassadeur du Gran Seigneur8 à Constantinople qu'iceluy roy9 est résolu de ratifier la dernière paix faite il y a deux ans à Constantinople et que bientost on y envoyera un ambassadeur extraordinaire pour mettre la dernière main sur ce qu'a manqué jusques à présent.
Les Grisons de la faction d'Espagne font des levées pour le Milanois ouvertement et secrètement en Suisse, quelques-uns ayans esté mis en prison à Schaphausen sur ce suject, et crois qu'on fera le mesme icy, puisque les cantons veulent conserver leur[s] gens dans son pays pour avoir de quoy le défendre en cas de besoing.
Le mariage de la fille d'Angleterre10 don[ne]ra de l'ombrage à la France et fortifiera grandement le party protestant, qui à son temps pourra balancer la grandeur du 132, quand il voudroit trop s'arrichir des ruines de la 89.11
On dit que les Hollandois donnent quelques tonnes d'or à la Suède pour le traitté du commerce qu'elle a fait avec eux, et j'attendray de vous la confirmation tant de cecy que de ce qui aura esté conclu avec la France à Hamburg.12
Sur ce je me recco[m]mande à vos bonnes grâces et vous supplie pour la continuation d'icelles en me croyant tousjours, monsieur,
vostre serviteur redevable
C. Marin mp.
De Zurig, ce 6 de Jenvier l'an 1641 stylo loci.
Favorizés-nous, s'il vous plaît, de ce que Mon.r d'Erlache13 aura obtenu à la cour.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 4 Febr.
En in dorso: 6 Ian. 1641 Marin.