Monsieur,
En suitte de ce que je vous ay mandé des affaires de deçà, l'archiduchesse d'Insprug2 a escrit ces jours passés à tous les 13 cantons, les exhortant de ne donner point de passage ny d'assistance contre Costance, qu'elle dit devoir estre réassiégée par les armes de France, dont nos Suisses sont fort alarmés, craignans qu'on en veut à eux. Je leur remonstre par des bonnes raisons le contraire, et que tout ce que nous faisons avec la France n'est que pour avancer tant mieux une raisonable et universelle paix, qui ne se peut ravoir sans abbattre ceste excessive puissance de la maison d'Espagne et d'Austriche, et pourtant qu'ils prennent bien garde de nous en empêcher en aucune façon que ce soit, moins offenser avec quelque hostilité la France, puisque cela ne se sçauroit faire sans leur ruine que par tel moyen ils attireroyent sur son pays. Sur ce qu'ils me disent que la France leur devient trop puissante et qu'en prenant tout à l'entour elle voudra avoir la Suisse pour son reste, je leur respon[s] que tant qu'ils se monstreront affectionnés au bon party, ils n'en ayent rien à craindre, la sage conduite du cardinal Richelieu estant telle qu'il se voudra conserver ce boulevard de la Suisse par amour et non par force. Aussy est-il vraysemblable que quand on traittera la paix, les autres alliez ne voudront point permettre que la France retienne tout ce qu'elle possède à ceste heure, mais se contente du raisonable, et toutes et quantes fois qu'elle ne le voudroit pas, je suis d'opinion qu'estant abbandon[n]ée de la Suède et Hollande elle seule ne sçauroit point maintenir son aquit, ains resveilleroit plustost sur soy une non moindre bourrasque que l'Austriche. Au reste suppléera l'ambassadeur de France3 qui est arrivé à Soleure, et le capitaine Rhon4 qui est icy fait aussy son devoir pour conserver ce canton-cy en bonne opinion de la France.
Les Grisons avancent bien peu avec leur[s] levées pour le Milanois, où tout panche à une estrange révolution comme le verrez par cy-joints advis.5 Cependant les pauvres Valtolins sont sortis du pays, forcés à cela par les menaces des Grisons Espagnolisés qui, voyans fort clair le jugement de Dieu sur l'Espagne, la veulent néantmoins flatter contre sa conscience et les loys de la patrie qu'ils vont exposer à toutes extrémités, qui ne leur causeront que la perte de leur liberté.
Je serois bien aise d'avoir ce qu'a publié M. Rusdorff,6 s'il y a moyen d'en trouver un
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exempleray [sic] en France par l'addresse de M. Heuf,7 duquel j'attend[s] responce sur ce qui touche mon particulier, estant bien marry que ces espérances qu'on me fait vont si à la longue.Je me reccom[m]ande à vos bonnes grâces et demeure, monsieur,
tout le vostre
C. Marin mp.
De Zurig, ce 27 de Jenvier l'an 1641.
D'Italie on escrit que le prince Thomas a embrassé derechef le party d'Espagne, ce qui apparemment sera sa ruine; on lui a desboursé desjà 5 m. dublons, ce qui est bien contraire à ce qu'on a publié en France.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 22 Febr.
En in dorso: 27 Ian. 1641 Marin.