Monsieur,
Avec la vostre dernière2 j'ay receu aussy celle de Mon. Heuf,3 qui m'a donné quelque espérance du parachèvement de ce qu'il me doit, aussytost qu'il aura receu son contentement de Suèdes, le retardement duquel m'incommode certes fort, et n'eusse jamais pensé qu'on me deust abanndonner de telle sorte en un pays où la despence est double en tout, et oultre cela il faut user des libéralitez envers les confréries de la ville chasque an, ce qui m'emporte beaucoup d'argent, et je dois desjà plus que mon gage ne souffert. J'espère qu'un jour Messeig.rs les régens y auront quelque esgard, surtout ayant à cause de ma charge abandonné les intérests de ma femme,4 dont le dommage monte à une bien considérable somme.
Les députez de 13 cantons et ceux de la ville de S. Gall et de Biel ont esté saluer l'ambassadeur de France,5 mais les Petis Cantons en sont retournés bien malcontens n'ayans point esté
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desfrayez d'accoustumée. Ils ont tenu une diète sur le suject de la lettre de l'archiduchesse d'Inspruck6 et de la Bourgogne et voudroyent attirer les protestans, sans lesquels ils ne peuvent rien qui vaille, à s'intéresser avec eux pour la défence de la ville de Costance, quand elle seroit assiégée par les armes du roy,7 la conqueste d'icelle place leur estant fort suspecte pour estre en telle situation que de là on peut tenir en bride non seulement Zurig et les Petis Cantons, mais aussy passer de là ès Grisons et dans le Tyrol. Je crois que bientost il y aura une diète à Bade,8 qui à mon advis ne portera pas gran coup, pourveu que la France contente les protestans qui autrement dépendent d'icelle, et vous ferez bien d'y disposer par vos conseils les ministres du roy, surtout à ceste heure où on a besoing de leur assistance.Le prince Thomas s'est à la fin déclaré pour le roy d'Espagne9 estant de retour à Invrea pour s'abboucher à Pavie avec les ministres Espagnols touchant la conduite de la guerre. Il aura une armée à part en Piedmont, qu'il commandera absolument. Son frère sera aussy contenté en ses prétensions, à tous deux les Espagnols ayans promis de rendre les places par eux tenues, si en quatre ans la paix ne se faira. C'est une grande faute que les François n'ayent peu empêcher cest accord et je crois que Mazarini en sera fort mal voulu à la cour pour avoir promis à vostre cardinal plus de ce que le prince Thomas n'avait point accordé.
Les Vénétiens sont aussy en grande jalousie de ce que la France ne leur envoye point d'ambassadeur10 et ne veulent aucunement entendre à la conqueste du Milanois, craignans toute nouveauté en Italie par laquelle la guerre s'y pourroit tant plus allumer. L'interprète de l'internunce de Poulogne11 après avoir exposé les points que je vous ay mandé par mes précédentes12 a esté mis en prison et ne sçay pas quel traittement aura son maistre, puisque les Turcs ne le veulent pour protecteur de la Moldavie et Valachie.
De Milan on confirme l'advantage de ceux de Barcellone sur l'armée Espagnole, en ayans tué plus de mille hommes et aquis sur eux 15 drappeaux qu'on a arboré dans Barcellone et si le secours de France y arrive assez fort, je crois que ces affaires s'y pourront derechef reddresser en meilleur estat.
Je me reccom[m]ande à vos bonnes grâces et à celles de Mon. Heuf, qu'il vous plairra disposer afin qu'il me donne bientost la satisfaction deue, en me croyant tousjours, monsieur,
vostre serviteur redevable
C. Marin mp.
De Zurig, ce 10/20 de Febvrier l'an 1641.
Le roy d'Espagne a fait sa paix avec le pape en retenant tous ses droits sur le nunce et les ecclésiastiques.13
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La France a eu de la satisfaction en ce qu'on a cassé le procès fait contre le gentilhomme du Coeuvre14 et que les trois qui ont esté en sa compagnie sont remis en leur liberté.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 6 Febr. [sic].
En in dorso: 20 Febr. 1641 Marin.