340
Monsieur,
J'ay bien receu vos deux lettres du 21 et 29 du passé2 et envoyé à Lindau un petit extraict de ce que m'escrivez touchant la liberté de M. le mareschal Horn,3 qui en est bien en peine et me presse tousjours que je face tant envers vous, qu'il puisse tirer de vous quelque responce sur ce qu'il vous a repprésenté par ses lettres, ce que vous pourrez faire en toute seureté, moy ayant des moyens de la luy faire rendre par des gens de confience qui vont à Lindau. Dieu veu[i]lle que cependant Jean de Vert4 ne meure, car on en parle fort diversement.
Le payement de mon gage dépend aussy du renouvellement du traitté avec la France,5 le retardement duquel fait que la France ne paye pas l'argent qu'elle nous doit. Mais il seroit raisonable que Mon.r Spiring6 me pourveust cependant de quelque somme pour avoir de quoy vivre avec ma famille, la réputation de la Suède y estant intéressée et dont, come je vois, on se soucie bien peu. Il faut que je surpasse tout avec patience et vivote cependant avec les miens pitoyablement.
Les Suisses protestans sont à Arau7 assemblés pour asso[u]pir les troubles de Berne qui s'augmentent, une bonne part des paysans demandant la réforme rigoureuse de l'administration des baillifs dont ils se plaignent d'estre mal traittés, l'exemtion de la gabelle du sel et des dismes et tailles qu'on leur a imposés, et parce que le magistrat en Suisse a perdu beaucoup de son authorité envers les sujects, il y a à craindre qu'une semblable révolution à celle d'Angleterre n'arrive bientost en Suisse, que est un corps plein de très-mauvaises humeurs.
L'archiduchesse de Tyrol8 a escrit une lettre aux Grisons par laquelle elle appelle le colonel Guler9 son suject naturel, à cause qu'il habite dans le pays de 8 Droitures, demandant qu'on empêche les levées pour la France, ce qu'on a fait aussy, et sûr [qu']on tiendra une conférance à Feldkirch10 avec les ministres de l'archiduchesse qui s'en va bientost à Florence. Je crois que les Austrichiens sont asseurés de ce que la France ne s'intéressera plus avec les Grisons, autrement ils ne sçauroyent parler si haut.
L'empereur demande qu'on anticipe la diète de Bade qui se tient d'ordinaire à la Saint-Jean11 où il envoyera son ambassadeur12 pour leur prêcher de la paix qu'on traitte en Allemagne. Ce qui en réussira, je ne manqueray pas de vous en donner advis come estant, monsieur,
vostre serviteur très-obligé
C. Marin mp.
De Zurig, ce 3/13 de Juin l'an 1641.
341
On escrit que nostre général Banier est mort,13 ce qui seroit mal en ceste conjoncture de temps, où nostre armée est talonnée par Piccolomini.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 26 Iunii.
En in dorso: 13 Iunii 1641 Marin.