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Monsieur,
L'ordinaire passé ne m'a point apporté de vos lettres et partant suis-je en une estrange peine de ce que je dois attendre touchant mon change, dont le delais me fait réduire icy au désespoir et à un estat si misérable que j'appelle souvent la mort pour mettre plûtost fin à telles misères, que je supporte à cause de ceste charge malheureuse pour moy, que de voir ma pauvre femme avec ses enfans et famille réduite ad stipem. Je vous supplie par la compassion de Christ nostre sauveur de me conseiller ce que je dois faire, car ayant desjà tant de fois escrit et à la reine et à messeigneurs les régens je n'en puis tirer ny de responce ny d'aide aucune, et pour me retirer d'icy sans payer au préallable mes deubtes je ne le sçauorois faire sans perdre tout à fait ma femme2 et mon honneur. C'est un procédé certes bien estrange dont on se sert envers moy et, si on me tient pour un esclave, on me devroit pour le moins fournir des moyens pour vivre en misérable et ne me traitter de telle façon. Mais je suis desjà enfoncé dans le bout [sic] bien. Il faut que j'attende l'assistance de Dieu seul, qui m'en retire, et souffre avec patience le malheur que m'a causé la fidélité avec laquelle j'ay servy la Suède il y a tantost neuf ans. Ce nonobstant je continueray fidèlement mes services tant que Dieu me donne la santé, escris aussy à M. Heuf3 pour la perfection de mon reste, vous suppliant de le disposer qu'il m'assiste pour le moins de deux cent dalers s'il ne peut payer tout le reste qu'il me devoit desbourser il y a trois ans passez.
Je vous envoye icy ce que j'ay de Constantinople,4 et parce que la diète5 n'est pas encor finie, j'en remettray le récit à l'ordinaire qui vient, aussy bien que d'autres choses, estant à ceste heure si perplex[e] et angoissé à cause d'une si longue détention de mon gage qu'à gran peine ay-je peu escrire à Mon. le gran chancelier.6 Excusé, s'il vous plaît, mon importunité et attribuez-en la cause à mes nécessitez qui certes sont incroyables et font avoir pitié de moy à tous mes amys icy. Dieu m'en délivre par sa grâce et vous maintien[n]e en la prospérité que vous souhaitte, monsieur,
vostre serviteur le plus dévot et affectioné du monde
C. Marin mp.
De Zurig, ce 2/12 de 7bre l'an 1641.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 26 Sept.
En in dorso: 12 Sept. 1641 Marin.