Monsieur,
Il y a quinze jours que je n'ay point de vos lettres, celles du 27 du passé s.n.2 estant un peu vieilles, mais fort aggréables à moy à cause de la continuation de vos faveurs en mon endroict et dont je souhaitterois une fois voir l'effect par moy depuis si longtemps attendu. Sed cogor moras istas mihi damnosas patienter ferre, cum ita dominis nostris placeat.
J'escris à Mon.r le gran chancelier3 pour une lettre de reccom[m]andation envers les Grisons, afin que je puisse demeurer quelque peu de temps dans leurs pays, pour pouvoir assister ma femme4 à donner des ordres nécessaires à ce peu qui lui reste dans la Voltoline, car je prévois que la relligion réformée s'en va perdre en ces pays-là comme aussy parmy le reste des Grisons, et sans cela les Espagnols ne se fieront jamais d'eux, faisans pourtant remettre les cappucins dans l'Engadine-Basse, à Coire et ailleurs où on peut. Je vous supplie d'en faires des instances aussy de vostre part, car estant ainsy muni j'y sera[y] avec plus de seureté et on n'osera de le refuser à nostre reine, la plus gran part des Grisons estant bien affectionnez à la Suède.
Nostre diète de Bade5 s'est finie more solito après 4 sepmaines de débats entre les protestans et les petis cantons, dont Lucerne, Suiz, Undervalden et Zug6 veulent rappeller leur gens de France et en sont partis sans prendre congé de l'ambassadeur du roy7 ny voulu estre de ses conviés. Les autres n'en veulent rien faire jusques à ceste heure; eux aussy seul[s] ont demandé la suspension d'armes dans la Comtée8 pour trois mois, puisque Schavedra9 n'a peu monstrer des lettres de créance de son roy à tous le 13 cantons, mais à six seulement, ses alliez,
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ce que l'ambassadeur de France n'a pas voulu accepter comme invalide pour traitter la neutralité. Nos protestans ont esté retenus de ne faire rien contre la France tant à cause de la persécution de Rheintal que les petis cantons y font contre les protestans, que pour le respect de nostre alliance avec la France,10 dont néantmoins les Suisses sont fort jaloux, et parce qu'en d'autres points dont ils sont recerchez ne peuvent estre d'accord, les cattoliques ont fait leur responce à part à l'empereur et les estats de Ratisbone et les protestans feront le mesme, toute la haine tombant sur eux, parce qu'ils ont empêché les cattoliques de ne faire pour l'Austriche ce qu'ils eussent autrement désiré.Les Grisons sont accordez avec l'Austriche par le traitté de Felkirch11 fort préjudiciable à leur liberté et conscience.
Je me reccom[m]ande à vos bonnes grâces et demeure, monsieur,
vostre serviteur très-obligé
C. Marin mp.
De Zurig, ce X de 7bre l'an 1641.
Je voudrois sçavoir quand le comte Suédois12 sera de retour d'Italie pour le recevoir icy en passant.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 2 Oct.
En in dorso: 10 Sept. 1641 Marin.