Monsieur,
Je ne m'estonne pas de ce que vous me mandez par vostre lettre du X de ce mois2 que le mescontentement est si gran[d] en France; il se faut plustost estonner qu'il n'esclate en quelque esmotion generale, laquelle si on ne previent par la constitution d'une paix ou tresve longue, il y aura à faire de poursuivre ceste guerre plus longtemps. Surtout celle aupres du Rhin couste grand argent à la France,3 et si ne voy-je pas qu'elle y puisse faire gran[d] coup, tant faute d'argent que d'infanterie, là où au contraire on nous asseure que le duc de Baviere sera fort de 20 mille combattans, tous bonnes gens, et qu'il fait un choix general dans son pays de la jeunesse capable à porter les armes, se voulant mettre luy-mesme en campagne. Je ne crois pas que les François auront plus de 12 mille combattans, et si auront-ils de la peine d'abandonner le Rhin, et se tenant en Alsace ils se ruineront. Dans Uberlinghen il y a un regiment bavarois et le reste de l'armée s'assemble en Suabe pour sortir en campagne puissemment et tenir bloqué Hohetvil.4
Le cardinal Bichi est encore à Venise pour y faire executer la paix,5 dont il est venu si heureusement à bout, mais nous ne voyons pas que la France pour cela ait acquis beaucoup de gens, mais le Marcheville est à Rome pour en prendre de ceux qui seront
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licentiés, et qui donnera plus d'argent en emportera d'advantage.6 Le pape se remet journellement et ne se haste plus à faire des cardinaux,7 dont ceux qui sont venus à Rome à cause de la creation d'un autre pape se trouvent bien marrys et trompés de l'esperance de faire un successeur espagnol.8 A Milan on ne sort pas encor en campagne faute d'argent9 et le prince Thomas tient le rende[z]-vous de ses gens pour entreprendre quelque siege.10Je suis tousjours en attente de l'argent, mais s'il ne vient bientost je suis resolu de partir d'icy s'il plait à Dieu devant la Pentecoste11 au plus tard, ne voulant perdre la meilleure saison pour voyager à cause de ma goutte, qui requiiert la saison douce. J'espere qu'on me contentera en Suede de ce qu'on me doit,12 afin que je me puisse retirer à finir le reste de mes jours en repos et jouir de ce que ma femme a et dont ma charge m'empeche que je ne puisse tirer ces advantages, que j'aurois autrement si je pouvois habiter es Grisons.13 Dieu me donne la patience et moyen d'achever mon desseing et vous faire paroistre la passion que j'ay d'estre utilement, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 16 de May l'an 1644.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 15 Iunii.
En in dorso: 16 May 1644 Marin.