Monsieur,
Je n'ay peu participer à vostre prosperité, que le mesme ne m'arrive de vostre affliction de laquelle je sçay que vaut l'aune en ayant faict naguières une fort sensible expérience Dieu ayant voulu reprendre à soy ma troisiesme fille2, qu'avoit présentée au S. Baptesme ce grand homme3 qui fut si proditoirement assassiné au commencement des malheurs de vostre patrie. En quoy je recognois quelque similitude de vostre sort et du mien: vous ayant visité de cette playe4 au mesme temps que d'ailleurs il répandoit sur vous ses bénédictions, et m'ayant frappé d'un mesme coup à l'instant qu'il m'avoit faict la grâce de colloquer assez heureusement ma fille aisnée5 en mariage: et voylà comment il luy plaist de tremper nos douceurs de pareilles amertumes. Qui sont de beaucoup amoindries par la considération et certitude que ceux qu'il reprend à soy sont infiniement plus heureux que ceux auxquels il laisse encor l'usage de cette vie. Or je le supplie qu'il comble désormais la vostre de tout ce qui est le plus désirable, et que les Achitofels, qui ont si obstinéement mais en vain, Dieu mercy, traversé le bien qui vous estoit deu, recoivent en fin ce qu'ilz ont si longtemps mérité.
A ce souhait qui part de mon coeur j'adjousterois volontiers la complainte d'une douleur qui me le perce; et qui m'est causée par un de qui moins je devrois l'attendre, mais vostre temps est deu à meilleures et plus aggréables occupations, auxquelles peut estre que monsieur Marbault6 dérobera quelque petit intervale pour vous découvrir cette playe à laquelle il participe.
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Il ne me reste qu'à vous réitérer les meilleurs voeuz que je puisse et à vous protester très véritablement que je suis, Monsieur,
Vostre bien humble et très affectionné serviteur
Dumaurier.
Ma femme7, ses filles8 et moy vous saluons très affectionnéement avec madame l'ambassadrice et vos enfans de l'un et de l'autre sexe.
Au Maurier ce 25e. Mars 1635.
Adres: A Monsieur Monsieur Grotius, Conseiller d'Estat et Ambassadeur ordinaire de la Couronne de Suède prèz de sa Majesté Très chrestienne.
In dorso schreef Grotius: Maurier 25 Mars 1635.