Monsieur,
Je viens de recevoir tout à l'heure la vostre du 22 d'Avril2 et n'ay pas manqué d'envoyer tout incontinent vostre pacquet à monseigneur le grand chancelier3, qui ou passe la mer asteure de Diepe en Hollande ou le passera d'heure en heure n'attendant que les faveurs des vents.
Vous aurez receu la lettre4 du dit Sr. le grand chancelier pour vostre affaire au duc de Rohan5 que ie vous envoyay avec la lettre de response à la vostre6.
Je croy qu'une recommandation venant d'une main si puissante ne sera sans effect, mais à fin de n'omettre rien qui puisse servir, i'espère d'aller en peu de iours ayant premièrement achevé quelques affaires, qui me sont commis icy, vers la cour laquelle est à présent à Reims, là où ie ne manqueray pas de vous rendre touts les services possibles.
Nous nous résiouyssons de ce que les affaires de la Valteline sont en bon estat et espérons que le duc Bernard7 et monsieur de Feuquières8 défendront ceste costé de Rhin que monsieur de La Force9 secourra Montbéliard et que l'armée
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composée des troupes du mareschal Banier10, du duc de Lünenburch11 et du landgrave de Hessen12 obtiendront quelque victoire notable sur les impérialistes13 qui sont prez du Mein.Avec l'Espagne nous ne sçavons bonnement si la France est en guerre ou non. Le fils de monsieur d'Aligre14, chancelier de France, prins en Espagne, et le comte de Salazar15 icy par repressaille.
Le roy16 a demandé qu'on mist en liberté l'électeur de Trève17, sans l'avoir obtenu, suject plausible pour la guerre.
Le mareschallon de Chastillon18 avec vingt mille hommes d'infanterie, cinq ou six mille de cavalerie, quarante pièces de canon est passé la Meuse à Mézières, entré au pays de Liège en intention de se ioindre à l'armée de monsieur le prince d'Orange19 qui marche vers les mesmes quartiers. Namur est en grand alarme, à quoy les Espagnols ont pourveu y mettant six mille hommes en guarnison; sont aussi en campagne avec une armée bonne, mais qui difficilement pourra subsister contre deux armées qu'ils auront en teste.
La venue de monseigneur le grand chancelier est fort attendue au pays de Saxen pour remettre le courage à ceux que le traitté de Pirne20 a esbranlez. En passant i'espère qu'il nouera les affaires de Suède avec Lhollande, comme il a faict avec la France. Peu de iours nous feront voir plus clair.
Je demeure, Monsieur,
Vostre serviteur très humble.
Le 17. de May n. st. 1635. A Paris.