Monsieur,
La vostre du 13 d'Avril vieu style m'a esté bien addressée de laquelle ie vous remercie; une des vostres m'est manquée. Car avant cette-cy ie n'ay receu qu'une du 7/15 (?) d'Avril à laquelle i'ay faict response.
Monseigneur le grand chancelier2 est party d'icy à Rouen, delà à Diepe, où deux navires de guerre d'Hollande le sont venu trouver pour le faire passer en Hollande. Et à cause que le vent depuis ce temps-là a esté contraire ie ne sçay pas bien, s'il sera embarqué désià ou non. Mais comme ie sçay que son arrivée est fort attendue en vos quartiers, ainsi i'espère que passant par la Hollande il nouera là les affaires comme il a faict en France.
Cependant l'armée du roy3 soubs la conduite de monsieur de Chastillon4 composée de vingt mille gens de pied, cinq ou six mille chevaux, a passé la Meuse à Mézières; de là est allé au pays de Liège pour se ioindre avec une armée pas moindre des estats des provinces unies soubs le prince d'Orange5.
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Le roy a faict demander au cardinal-infant6 la liberté de l'électeur de Trève7 comme prins contre sa protection. A quoy le cardinal-infant ayant faict des responses dilatoires on attend que sur cela le roy se déclare par une manifeste8.
Le commerce entre les subjects du roy et ceux d'Espagne demeure suspendu.
Le comte de Salazar9, seigneur espagnol, est détenu icy en récompense de semblable détention faicte en Espagne sur monsieur d'Aligre10, fils du chancelier de France11.
Un prebstre nommé Tonnelier12 est mis à la bastille, confessé beaucoup de choses d'importance, entre autres une conspiration contre la vie du cardinal13.
Monsieur de Rohan14 tient la Valteline par six mille gens d'infanterie et 1400 chevaux, outre les trouppes grisonnes qui guardent le passage de Tirol. Les Espagnols prez du fort de Fuentes ont environ six mille gens de pied et six cens chevaux attendants secours de Naples, du duc de Toscane15 et des petite cantone des Suisses. Les affaires par tout sont en tel estat qu'en peu de temps sans doute nous verrons plus clair, comme aussi en ce qui est du traitté de Pirne16, de quoy ie vous prie me vouloir donner tant d'esclaircissement que pourrez. On dit icy que l'accrochement est arrivé à cuite que le duc de Bavière17 veut demeurer armé de vingt mille hommes outre ceux que l'empereur18 et l'électeur de Saxe19 doivent entretenir pour le maintenement du traitté, et que l'empereur veut sçavoir qui seront les iuges à l'expiration du temps des différents, qui par le traitté demeurent suspendu.
Sur ce, Monsieur, ie prie le bon Dieu de vous conserver en sa grâce paternelle.
Le 17. de May selon le style nouveau 1635.
A Paris.
Vostre serviteur très
humble.