Monsieur,
Les grandes courses des ennemis m'ont faict douter si mes lettres précédentes vous auront esté adressées, par lesquelles ie vous avois mandé les succès des affaires communes au Pays Bas et ailleurs.
Les lettres du Pays Bas pour cette fois nous manquent retenues, comme il semble, en Brabante. Ce qui m'empesche de vous en dire d'autres particularitez que ce que le bruit nous apporte, qui est que monseigneur le prince d'Orange2 assiège Rurmond et que l'armée françoise est allée contre les gens de Picolomini3 et d'Isolano4 pour les battre.
De la Valteline i'ay des lettres par lesquelles i'apprend que le duc de Rohan5 après sa victoire première en a eu une autre par laquelle il s'est emparé de toute la Valteline. Certeleray6 qui estoit à Mohbegno avec 9000 gens de pied et 500 chevaux avec quatre pièces de canon ne l'estant osé y venir mais ayant pris la retraitte vers le fort de Fuentes pour attendre d'autres trouppes. A quoy on adiouste que les impériaux7 ont quitté Bormio, place de grande importance. Monsieur de Chaime8 est entré au pays de Cambray et y a prins quelque places.
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De Brasil nous apprenons que les Espagnols ont quitté les forteresses de Mossupe, St. Laurens et autres.
L'alliance que le duc de Savoye9 a contracté avec le roy10 faict contrevoir à tout le monde des grandes espérances en Italie. La matière touchant le publicq estant maigre à cause des empeschements susdits i'y adjousteray par vostre permission, mons., quelque chose du particulier duquel i'avois commencé à vous en escrire, qui est de madame la duchesse de Croy11 laquelle désireroit fort que par vostre sage entremise elle peust tant obtenir que ses gens qui sont à s'en estranger pour continuer une possession confirmée par une sentente (?) puissent vivre en paix avec mons. vostre frère, le comte Casimir12, et que le dict mons. vostre frère ne se voulut pas rendre ministre, comme elle dit, de passions d'un Espagnol. Ella m'a prié de vous envoyer les copies d'une lettre que monsieur le grand chancelier13 luy a escrit pour monstrer le soingt qu'il a d'elle, et des lettres que le roy a escrites tant à monsieur le duc d'Angoulesme14 qu'à monsieur vostre frère. J'espère, monsieur, qu'en considération de la faveur que la dite duchesse a en cette cour, vous ferez tout ce que vous iugerez estre de la raison.
Je me recommande très humblement à vos grâces et demeure, monsieur,
vostre serviteur très humble et
très obéissant.
2 Aougst n. style 1635. A Paris.