Monsieur,
La vostre du septiesme de septembre2 est venue à mes mains le dixiesme
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d'octobre style nouveau. Quant au pacquet à Mons. le grand chancelier3 ie l'ay envoyé par Amsterdam, comme ie fais tous les miens.Je vous remercie des nouvelles tant de vos quartiers que de la Turquie et voudroi vous en pouvoir envoyer d'icy des bonnes. Pour le moins elles ne sont pas mauvaises, comme ceux qui nous veulent du mal, les publieront en vos quartiers.
Le landgrave de Cassel4 ayant esté obligé de se retirer du costé du Main vers les quartiers où est Monsr. le grand chancelier tous les iours menacez par les trouppes de l'électeur de Saxe5; l'armée du cardinal de la Valette6 assisté du duc Bernard7 n'estant pas assez forte pour s'opposer à la très grande armée de Gallas8 a fait retraitte deçà le Rhin, et Gallas la suivant s'est encore retiré iusqu'aux environs de Mets. En cette retraitte sont arrivez quelque combats, le premier heureux pour les François, les autres pas tant, mais toutefois sans perte signalée. Asteure le Bar est entre deux. Si l'électeur de Saxen est venu à aucuns actes d'hostilité contre nous, nous le sçavons pas vrayement, si non qu'il a fait sortir la guarnison suédoise de Hal, les nostres tenants encore la citadelle.
Cependant de vous costez nous arrivent les nouvelles de la tresve de vingt et six ans avec Poulogne9, les nostres se conservants la Livonie et quittans la Prusse, tellement toutefois, qu'ils retiennent Elbingen et Pilau iusques à la ratification des Estats de Poulogne. De Mons.r le grand chancelier ie n'ay de cecy rien d'asseuré, mais bien la grande apparence de la dite tresve. Ce qui estant, les grandes forces que Mons. le mareschal de la Guarde10 avoit même en Prusse donneront occasion à l'électeur de Saxen à songer un peu plus à ce qu'il veut faire en nostre regard, et à Mons. le grand chancelier moyen pour faire des actions de guerre dignes de sa générosité ou bien une paix commune pour la France et la Suède et ce qui nous reste d'amis. Le roy11 qui a luy mesme une grande armée en Lorraine, renforce aussi celle du cardinal de la Valette et a envoyé le mareschal de Chastillon12 avec une autre en Picardie.
Le siège de Valence est plus proche à vos oreilles, et pourtant espérons d'entendre par les vostres les bons succès de France, Savoye et une partie de l'Italie dans les terres de Milan. De douze mille Suisses une partie est avec le roy, l'autre en Picardie, là où aussi sont arrivées quelques troupes nouvellement levées au pays d'Helsace par le S.r Ransou13.
Monsieur, ie vous prie de croire que ce me sera tousiours une yoie très aggréable que de vous pouvoir servir.
Vostre serviteur très humble.
A Paris, le 16 octob. n. st. 1635.