Monsieur,
La lettre à monsieur le grand chancelier2 qui accompagnoit celle qu'il vous a pleu m'escrire le 10/20 de May3 a esté bien envoyée, comme aussi toutes vos précédentes. Je n'ay pas manqué aussi à faire response à toutes les vostres. Je soulois prendre l'addresse par Genève: depuis ie me suis servy de l'offre que m'avoit fait le sieur Priola4. Et maintenant ie me conformeray à l'advis que me donnez.
Nous sommes bien marrys que la concorde n'est meilleure entre les colliguez de l'Italie et qu'on ne se casse pas plus pour fournir à monsieur le duc de Rohan5 des moyens nécessaires pour agir selon sa générosité. Nous attendons aussi des nouvelles de ce que monsieur le landgrave6 fera pour Hanouw, le cardinal de La Valette7 pour Hagenou et le duc de Weimar8 pour Ermestain après la perte de Coblens importante pour l'Allemagne.
Cependant les princes du sang françois font des actions dignes de leur naissance. Car monsieur le comte9 ayant avec luy trois régiments et quatre compagnies de Suisses et douze cents chevaux est allé attaquer un quartier des ennemis près la rivière de Fosse consistant en quatre mille chevaux poulonnois et les a attaqué si françoisement qu'il en a mis à bas quatre ou cinq, pris de prisonniers de qualité et le reste mis en fuite. Monsieur le prince10 cependant avec une fort grande armée presse Dolen ayant pris une petite ville et quatre chasteaux aux environs.
Si avec cela Dieu donne quelque bonne fortune au roy11 en son armement naval, comme les Hollandois ont esté fort heureux au Brasil, s'en estant rendus les maistres exceptez trois ou quatre places qui restent à l'Espagnol (à) sa très grande charge, nos Suédois auront tant plus de courage à défendre ce qu'ils tiennent dans la Poméranie, le Brandebourg et Saxen et avec le temps faire des plus grands progrès principalement si le duc de Lunenburg12 comme on espère se resent du manquement des impérialistes à accomplir ce qu'ils luy avoient promis.
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Nos gens font tousiours de levées tant en Suède qu'en Livonie.
Il faut prier Dieu que tout aille bien.
Je demeurerai, monsieur,
vostre très humble serviteur.
10 juin n.st. 1636. A Paris.