Sire,
Le plus sage entre les Grecs2 a dict que quand quelque partie extérieure du corps est offensée, pour la bien guarir il faut premièrement voir s'il n'y a quelques humeurs au dedans du corps qui ayent besoing d'estre répurgées, et commancer par là à fin que le mal qui est au dedans n'entretienne et n'augmente celui qui est au dehors.
Vostre maiesté qui est le médecin de ce grand estat a suivi cette règle lorsque voyant que la mesintelligence et défiance estoyent entrez dans son royaume, voire dans sa maison, elle par une douceur plus que paternelle incontinent y a apporté les remèdes convenables. Ce que faisant, Sire, vostre maiesté n'a pas seulement obligé la France comme elle a faict mille et mille fois, mais aussi toutes les alliez et ceux auxquels il emporte que la France soit contenue en son estat fleurissant. Car les ennemis communs commençaient desià à bastir de desseings sur ces occurrences comme ils sont accoustumés de mettre l'ongle dans les malheurs de la France et tascher de faire d'une enflure un cancre.
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Asteure la santé estant rendue à l'intérieur de ce royaume sans doubte vostre maiesté travaillera avecq tant plus de vigeur et d'asseurance pour faire retirer le mal qui est sur les frontières. Et contres que le temps d'hyver n'est pas fort propre aux actions de la guerre si ne laisse il pas de servir à vostre [maiesté] tout ainsi comme il sert à ceux qui cultivent la terre qui en cette saison jettent les sémences, lesquelles cachées pour un temps aprez se descouvrent par des fruicts très utiles au genre humain. De mesmes vostre maiesté en ce temps icy sème des conseils qui aprez fructifieront en des actions très glorieuses.
Et puis que monsieur le duc de Weimar3 est maintenant icy, je veux espérer que vostre maiesté jettera les yeux favorables sur ces très grandes vertus pour luy donner un employ par lequel les armées suédois en Allemagne puissent estre soulagez. Car les advis viennent de touts costés que Gallas4, Gots5, Hatfeld6, Picolomini7, Ian de Waert8 et des nouvelles levées de Bohème et d'Austrice se vont joindre contre les nostres lesquels sans qu'il se fasse une diversion puissante auront bien de la peine à se maintenir.
Au contraire, si la France agit vigoureusement de son costé la marescal Banier9 aura moyen de poursuivre ses victoires et ceux qui gouvernent la Suède seront encouragez pour continuer la guerre jusques à ce qu'on obtienne une paix générale et honorable.
In dorso schreef Grotius: Proposition au Roy, faicte le 23 Febr. 1637.