Monsieur. Il n'eschet point d'excuses ny remerciments pour si médiocres offices, que ceux dont vous parlez, car je reputeray à faveur de vous en rendre de beaucoup plus importans, s'ilz peuvent aussy bien estre en mon pouvoir qu'en mon affection. Vous avez icy response de M. Reigersberg, qui est allé faire une reveue en Zelande, dont j'estime qu'il vous donne adviz; il ne s'est pas départy que nous n'ayons beu à vostre santé, que je loue Dieu estre si bonne en cet air et parmy les sordidesses de cette grande ville, que je croy condamnée à ne guerir jamais de ce mal. A cause duquel vous aurez pene à vous exempter d'avoir un petit carosse et deux chevaux, mesmes ayant vostre famille.
Pour l'estat de ces pays vous le sçavez mieux et plus particulièrement d'ailleurs, c'est pourquoy je n'y entre point. Quant à l'oeuvre dont est question2, il est incompatible et du tout impossible qu'il satisface vostre honneur et contente ceux, qui l'ont interessé: aussy voudroient ilz bien que cela coulast sous silence, et que vostre renom demeurast chargé du fardeau qu'ilz ont voulu mettre dessus; mais le moyen de les gratifier aux dependz de soymesme? C'est ce que je vous disois par mes précédentes qu'ilz voudroient sauver leur réputation
195
aux dépens de celle d'autruy. Je croy que ceux auxquelz vous avez commis la tutelle et l'éducation de vostre pupille, sçauront bien considérer tout cela comme il appartient.Pour l'estat de nostre pauvre France, Dieu le veille rendre plus tranquille que plusieurs n'augurent, affin, comme vous dictes, que le Roy, délivré de ses propres pènes, puisse avoir soin de soulager celles de ses vrays amys; et qu'aprez ce bien général je puisse veoir rompue la chaisne qui me tient lié pardeça. Cependant je plains avec vous que tous les jours il naisse de nouveaux sujectz de mécontentements à Sa Majesté. J'ay bien eu de la pène à faire rendre quelques biens naguières indeuement pris à ceux de Calais, cependant que l'on va jusqu'en Angleterre3 offrir satisfaction à ceux qui s'en moquent, l'inégalité de ce traitement estant autant injudicieuse que honteuse et dommageable. Sed hoc iure utimur in foro nostro. Celuy qui a brigué d'aller mener ce bransle est payé comme il mérite; il me semble qu'en luy je voy vulpem illam quae repserat in cameram frumenti4 s'il en ressort, ce que l'on ne croit pas pouvoir estre si tost; j'espère qu'il faudra qu'il face quelque part ailleurs ce que la belette disoit au renard. Enfin la justice de Dieu veniendo veniet, et comme quelqu'un a bien dit, venant avec piedz de layne, elle aura des braz de fer.
Pour l'escrit de Milletière5, digne de l'abomination de tous les gens de bien, je l'envoyay dès qu'il parut à Mons. de Puysieus, c'est pourquoy je m'estonne que Messieurs le Chancelier6 et Jeannin ne l'ayent point veu. Présentement je le renvoye à celuy qui aprez Sa Majesté y a le principal interest, avec une dispute imprimée pardeça, qu'il eut auprez d'Orléans7, où le dict Milletière a mis des marques de sa passion avec aussi pen de grace que de fondemant. Concernant l'escrit de Bonfadius8 je n'ay encores peu sçavoir quelle diligence l'Ambassadeur du Roy à Venize aura faicte pour le faire supprimer suivant le commandement qu'il en a eu du Roy, comme vous verrez par la coppie de la lettre que Sa Majesté luy en a escrite. Sur quoy je vous supply me donner vostre conseil, voyant bien que le dict Sr. Ambassadeur n'a pas pris cette matière guière à coeur nonobstant ce commandement, et la prière que je luy en ay faicte. Je vous baise les mains bien humblement et de Madamoiselle vostre femme, et suis,
Monsieur,
Vostre bien humble et très affectionné amy et serviteur
Dumaurier.
De la Haye ce 9e April 1622.
In dorso schreef de Groot: 9 April 1622 Maurier.