Le mesme [sc. H. Bignon] dans une autre lettre écrite2 à monsieur Grotius du 7 Aoust 1633:
Je ne sçaurois durer si longtemps sans chercher l'occasion de vous entretenir. Et quoyque la distance des lieux et l'intervalle du temps qui se passe devant qu'on puisse s'entrecommuniquer rende enfin negligens ceux qui sont eloignez les uns des autres, si ne puis-je en effet me tenir que je ne surmonte cette paresse et ces empeschements pour vous visiter par lettres, puisque j'ay perdu l'advantage et la douceur de la presence. J'en conserve tousjours le souvenir si vif que je m'afflige de cette perte, qui me doit estre d'autant plus sensible que j'en honore parfaitement le sujet et que j'y suis estroitement obligé. Pourveu que vous vous portiez bien il suffit, et faut que vos amis acquiescent à ce que vous avez jugé le meilleur. Je prie Dieu qu'il vous donne tout ce qui se peut et se doit souhaiter à un homme de vostre merite par une personne qui pardessus les raisons publiques, qui forcent tout le monde à vous venerer, a toutes sortes d'obligations pour se porter avec passion en vostre endroit. Je voudrois seulement avoir en main le moyen et l'occasion de le pouvoir temoigner. Je vous remercie de tout mon coeur du souvenir continu que vous avez de moy et que vous montrez par celles que vous ecrivez par deça. Je suis si glorieux de cette faveur que j'en souhaitte la continuation, dont je vous supplie instament.
Vous verrez par les lettres que monsieur de Cordes3 vous envoye la contestation qui s'est mue entre le pere Sirmond et Petrus Aurelius de duplici chrismatione.4 Il me semble que l'on le prend au pied levé et que l'on veut reduire l'antiquité aux regles posterieures. Je voudrois bien sçavoir quel est vostre jugement de l'Epistre de Saint Clement imprimée en
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Angleterre.5 La foy du manuscrit que l'on dit venu de Levant et donné au roy de la Grand' Bretagne, la sincerité de Patricius Junius qui l'a publié,6 les lieux et tesmoignages des anciens qui en ont cité des passages qui se trouvent en ce livre me l'ont premierement confirmé, puis je ne sçay quel air et esprit du temps m'a semblé y paroistre si bien qu'il n'y a pas lieu d'en douter et toutefois je confesse qu'en la considerant j'y trouve des choses qui me semblent aucunement alienés du style apostolique. J'y pense voir des epithetes plus frequens et des termes d'amplification qui sentent la maniere d'escrire qui a esté depuis et comme celle des liturgies et euchologies7 des Grecs. L'argument et description du Phoenix8 me paroist aliené d'un Saint Clement premier après les apostres, quoyque ceux qui ont suivy depuis s'en soient servis, mais contre les gentils et philosophes et en des ecrits autres qu'une epistre adressée à une eglise apostolique que l'on a reputée pour un temps comme canonique. J'y trouve aussi un lieu où il veut que les oblations se fassent par ordre et dans le temps et l'heure, pag. 52 et 53, où est aussi le mot de laïque qui m'est suspect.9 Et en la pag. 62 il appelle l'eglise de Corinthe ἀρχαίαν,10 ce qui ne convient guere à Saint Clement. Enfin, comme je croy la piece vraye, j'estime neantmoins qu'elle peut contenir plusieurs clauses et mots adjoustez par ceux qui l'ont depuis transcrite, ainsi qu'il est arrivé à plusieurs ecrits de cette antiquité et à Saint Clement mesme.Je souhaitterois bien d'en sçavoir vostre sentiment, qui seul avez le goust de telles choses et à qui il seroit malaisé d'imposer. Encore faut-il qu'à ce propos je vous invite, s'il estoit possible, que vous nous donnassiez et au public vos notes sur le Nouveau Testament.11 Je croy que vous estes en lieu où la commodité et la liberté de l'impression se trouve. Vous obligeriez fort le public si vous preniez cette resolution, etc.
Je suis ...