Monsieur,
Il y a quelque sepmaines que ie ne reçois point la faveur de vos lettres, qui parmy mes afflictions me resiouissent singulièrement estant icy abandonné de tous, sans argent et sans aucune correspondance avec les secrétaires de monseigneur le chancelier2 desquels ie ne puis tirer jusques à présent aucune responce. Je suis à présent à Mo(r)begno où se trouve les biens de ma femme3, tout à fait desgastés et par les Espagnols et les François durant la bataille de Morbegno. Je verray si ie pourray tirer quelque chose de ceux qui nous doivent en argent, monseigneur le duc4 me promettant sur cela toute sorte d'assistance.
Je vous ay envoyé depuis peu de temps plusieurs paquets à Son Ex.ce qui m'a commandé de luy escrire souvent, et le chemin par l'Alsace estant fort dangereux ie suis contrain(t) de vous incommoder avec mes paquet(s) que ie toutesfois payeray jusques à Ly(on) ou les mettray dans celuy de monsieur le duc qui ores se tient avec son armée aux environs dudit Morbegno.
Nos François en Italie commencent à se faire sentir dans le milanois où ils ont pris Sartirana et Mortara lesquels on fortifie pour avoir òu se retirer en cas de nécessité sans aller tousiours dans le Monferat.
Les Espagnols n'estiment pas tant la perte du village de Candie, à cause (?) de la garnison qui y estoit parce que de 400 soldats qui en sont sortis les uns ont pris parti, les autres ont esté tués par les paisans et les autres s'en sont dispercés d'un costé et d'autre.
Le nouveau gouverneur de Milan, marquis de Leghanes5, voudroit bien aller en campagne, mais le conseil ne le veut pas approuver jusques à ce qu'il aura un' armée digne de son assistance.
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On doute du lac de Come que par nous peut estre attaqué; c'est pourquoy on a envoyé de ce costé-là le comte Carle Boromé6 pour la défence de ce quartier, Cerbellony7 tenant encor le lict à cause de ses blesseures qu'on luy a donnez durant le combat, et ores l'accuse-t-on qu'il n'a point amené du canon le pouvant faire, et que sçachant que les François après avoir battu les impériaux8 à Fresla le voudroyent attaquer, ne s'en estoit point retiré à Fuentes, òu bien fait venir plus de renfort.
Si vous avez quelque chose digne de cognoissance, ie vous supplie de m'en faire part, surtout s'il est vray que Hessen9 et Brandeburg10 ayent fait sa paix avec l'empereur11 et que les Saxons ayent esté battus. Je vous prie aussy de me reccomander vivement à monseigneur le gran chancelier afin qu'il me face faire avoir quelque peu d'argent n'en ayant point touché depuis X mois en ça, et vivant toutesfois parmy ceste cherté incroyable à grans despences.
Nos Grisons n'ont pas voulu sequestrer la Voltoline dans les mains des Suisses cattholiques qui à l'instance de l'empereur en vouloyent faire ...der les François pour disposer puis après à leur plaisir du passage. Les régimens qui ont esté à Tyrol s'en sont allez ver(s) Meminghen, Ravenspurg pour y hyv(erner) ou passer par le Gotard, les Suisse(s) cattholiques ayant accordé le passa(ge) pour Xm hommes à pied et 2000 chevaux.
Sur ce priant Dieu qu'il vous conserve en perpétuelle santé et moy en vostre bonne grâce, ie demeure très passionement, monsieur,
vostre serviteur très humble
Marini.
De Morbegno, ce 16 de Xbre 1635.
In dorso schreef Grotius: (...) Dec. n. st. 1636 (sic). Marini.
En boven aan de brief: Rec. 1 Ian. 1636.