Monsieur,
En responce de vos très aggréables du 13 et 27 de May2 ie n'ay rien digne de vostre cognoissance horsmis la retraitte de monseig.r le duc3 de la Valsasne où après avoir saccagè le pays et en ammené gran quantité de bestail il s'en est retourné dans la Valteline n'ayant peu passer plus oultre sans canon .... prendre aucun lieu advantageux pour y subsister. Il a desfait 8 compagnies qui gardoyent divers passages vers la Valsasne, tout le monde regretant qu'il n'y ait peu subsister plus long pour faciliter le passage du duc de Parme4 dans ses estats. Mais qui considère bien les misères de son armée despourveue de tout moyen de faire de gran exploits hors de la Voltoline ne trouvera point estrange son retour dans icelle jusques à ce qu'ils sont instruits de plus d'argent, le manquement duquel causera de gran maux non seulement parmy les François dont quelques-uns commencent à se mutiner mais aussy aux Grisons de les affaires protestant de vouloir casser leur compagnies si on ne leur donne la paye deue depuis dix mois en çà. On tâche d'accomoder cela tant qu'on peut, mais si le roy5 n'y pourvoid par son authorité,
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vous verres icy un terrible fric et frac qui pourra grandement empêcher le progrès des alliez en Italie, et les nostres icy.Parmy ces extrémités qui nous font enchérir toutes choses vous pouvez bien juger en quel estat ie me trouve icy, ne pouvant jouir d'aucune chose du monde pour le desgost que la soldatesque donne indifférement à la campagne. I'ay à nourrir cinq personnes et deux chevaux oultre que ma femme6 est grosse en estat de s'acoucher bientost et me faire la despence plus grande. Je ne sçay certes à quoy penser me voyant sans la paye depuis 14 mois en çà, et horsmis vous personne du monde me donne aucune espérance d'en recevoir, iugeant par là que peutestre mon service est fort peu aggréable à monseig.r le gran chancelier7 puisqu'il me laisse ainsy abbandonné de tout secours. Mais c'est la sorte d'ordinaire de tous ceux qui servent le mieux. Ie vous proteste, mon.r, que si ma femme n'estant sur le point de faire (?) ses couchées i'irois tout incontinant trouver ledit seignieur gran chancelier, encor qu'il m'aye commandé le contraire. Cependant ie voudrois sçavoir s'il vous avez receu quelque responce sur le suject de vos reccomandations, afin que ie sçache sur quoy fonder mes espérances qui me font bien la régence icy.
Il arrive beaucoup de trouppes en Suabe et quantité de munitions et bleds à Landeck, Glurnek et Lindau, ce qui fait conjecturer que l'ennemy veut tenter quelque chose en ces quartiers, pour destourner monsieur de Rhuan de l'invasion du Milanois.
La régence d'Alsace et Rynach8, gouverneur de Brisach, ont envoyé des députez à messieurs de Basle, les menaçant, s'ils acceptent les bleds que le roy9 y fait mener pour en dresser un magazin, c'est pourquoy il y a une assemblée des cantons protestans à Arau et de là à Bade à cause de la Franche-Comté dont les Suissez en général sont protecteurs.
Conservez-moy l'honneur de vos bonnes grâces et continue à favoriser celuy qui est entièrement, monsieur,
Vostre serviteur très humble
Marini.
De Chiavenne, ce 4/14 de Juin 1636.
Ie délivray la vostre à monseigneur le duc10 qui vous respondra à son temps à présent estant bien embrouillé parmy tant de difficultez qui empêchent ses progrez qu'ils désireront faire dans le Milanois.
Boven aan de brief schreef Grotius: rec. 2 Iuly. aussy une lettre au grand chancelier et à Strasburg11.
In dorso: 14 Iuin 1636 Marini.