Le roy d'Espagne doibt estre sur la fin de ce mois à Barcelone. Le duc de Bragante2 a ammené à Madrid de Portugal 1000 chevaux, dont 2 tiers ont esté noirs et un tiers blanc. Les chevaliers de Calandrava et Alcandada3 doivent suyvre le roy, chascun avec 3 chevaux. Mais ceux de Languendoc et de la Provence n'ont pas peur des Espagnols, s'estans desja mis en bonne posture pour les recevoir. Ceux qui sont dans les isles4 sont bien incommodez. Ils travaillent tousjours à leurs fortifications. Dernierement ils ont fait une descente dans la Provence et pour revenger 2 pescheurs qu'on leur avoit pendu, ils ont bruslé quelques maisons. Monsieur de Roches5 est arrivé à Marseille pour faire esquipper les galeres. Plusieurs officiers sont arrivez en la Provence, venans d'Italie, pour y faire leurs recreues.
On travaille fort pour dresser en Italie une armée de 20 mille fantasins et 10 mille chevaux. On dit que le pape a envoyé un billet au cardinal de La Valette6 et un aultre à l'Assemblée du clergé. On dit qu'on a examiné quelques prisonniers dans la Bastille, sur ce qu'ils s'ont voulu enfuyr et sur leur dessein, nommement Du Fargis et Lyoncourt.7 On travaille fort pour une armée navale de 100 vaiseaux. L'archievesque de Bourdeaux8 est party pour en donner ordre. On dit qu'il sera admiral.
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Le secours d'Alsace est de 2000 pietons, 4000 chevaux de guerre et 2500 de charge. Monsieur le cardinal de La Valette demeurera à Saint-Dié avec l'infanterie, jusques à ce que l'execution soyt faite. Le bann et arriere-ban de Normandie a ordre de marcher au mois de Mars qui vint. La flotte d'argent est arrivée en Espagne, riche de 14 millions; la moitié est pour le roy.
Le roy a esté hier voir monsieur le cardinal par l'espace de 3 heures. Son Eminence a donné la commedie à la royne. Les deputez du parlement iront trouver cejourduy sa Majesté au Louvre. Madamoiselle fera son ballet ce soir.9 On dit que le procureur general sera president du mortier et que le lieutenant civil succedera en sa place;10 et le jeune Bullion11 en la place dudit lieutenant. Le president Coigneux12 a obtenu sa grace. On luy rend ses biens et la moitié de ce qui couste sa charge. Il luy est permis de retourner en France, mais il aime mieux de se reposer à Besançon. On dit qu'on traitte par son moyen et l'abbé de Carignan13 avec le duc Charles,14 qui a esté à Bruxelles et est revenu à Besançon. On a desja receu 8 maistres des requestes et quelques conseile[r]s du parlement. Picolomin,15 Jan de Werth16 et l'evesque de Verdun17 sont sur les frontieres de Luxembou[r]g. Les Espagnols on[t] eu peur que le duc de Weimar18 et le conte de Soisson19 n'y facent quelque irruption: c'e[s]t pourquoy ils y ont assemblé ces forces. Le conte de Soisson va joindre la moitié de son armée avec le duc de Weimar et l'aultre est allé avec le secours d'Alsace. On dit que luy est malade à Chalon.