Monsieur,
Vos nouvelles qu'il vous a pleu me communiquer2 de l'accord du duc de Lorraine avec la France et de ce que le roy a fait sçavoir à son parlement,3 sont à la vérité de très-grande importance, mais je crain grandement que celle-cy ne réussisse bien, n'estant faite à mon advis à temps, et qui pourra causer beaucoup d'altérations en France pour des raisons que vous sçavez mieux que moy. Les maisons d'Austriche et d'Espagne estoyent montés au plus haut degré de leur grandeur, mais elles se sont précipités dans des malheurs qui les pressent non pour autre chose que pour avoir voulu dominer sur leurs peuples à discrétion et par une imaginaire manutention de leur réputation et non pas conforme les loix des pays qui sont soubs leur tutèle, et je croy que cest exemple devroit servir de miroir aux autres pour ne tomber en mesme mal, cum fortuna nemini tantum concesserit, ut non tantum ei minari soleat, et quod cuiquam accidet, cuivis etiam accidere potest. Dieu veuille conduire le tout à une bonne fin et un soulagement des peuples oppressés.
D'icy je vous don[ne]ray une fort bonne nouvelle qu'on nous mande de S. Gall de la venue
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de nostre mareschal Horn4 à Lindau, ce qui est signe de sa proche délivrance, et j'espère qu'il passera par icy ou par Bade, où je ne manqueray pas de luy rendre mon devoir.Messieurs les Suisses ont tenu leur diète5 more solito, muchas palabras et pocos hechos. On a escrit dereschef en France pour la Bourgogne6 et donné responce à l'archiduchesse d'Inspruck7 sur ses lettres en termes généraux de ne vouloir rien faire en l'affaire de Constance contre la paix héréditaire ny donner passage contre icelle ville. D'une plus estroitte union on n'a rien conclu de certain, les cattoliques voulans au préallable que les protestans se destachent de la France, à quoy ils ne consentiront si aisément. L'ambassadeur de France8 ayant aperceu peu de bonne volonté parmy les cattoliques envers son roy n'a voulu rien demander à Bade, ayant passé seulement les complimens accoustumés avec ces messieurs, et s'il aura besoing des levées ou d'autre chose, je croy qu'il s'attachera à chaque canton à part; et en tout cas gagnera tousjours Berne à son advantage. On luy a fait des instances pour le payement des pensions, que ceux qui suirront [sic] la volonté du roy recevront sans doubte en partie.
L'empereur envoye un internonce9 à Constantinople pour mettre de l'eau au feu qui se va allumer en Hongrie com[m]e le verrez par cy-joints advis.
Je vous supplie, M., de me procurer un peu d'argent chez M. Heuf,10 car je vous proteste que je n'en puis plus tirer de personne de mes créanciers, puisqu'ils me voyent si mal traitté et des espérances vaines ils font peu d'estat. Mon Dieu, à quel terme suis-je réduict à cause de ma charge qui ne m'est que trop de surcharge, et si est-ce que je ne puis avoir ny de responce de Suède ny aucune autre satisfaction. Sed querelis mala mea non sanantur; oportet ut a Deo et tempore eius remedium exspectem.
Je me reccom[m]ande à vos bonnes grâces et demeure, monsieur,
vostre serviteur très-obligé
C. Marin mp.
De Zurig, ce 3/13 de Mars l'an 1641.
Le prince Thomas ne veut pas rompre sa neutralité jusques à ce que les Espagnols luy donnent satisfaction en ce qu'ils luy ont promis. En cecy il y a peu d'apparence. Les François ont pris Moncalvo, que les Espagnols n'ont peu secourir, et se tiendront à mon advis ceste année sur la défensive en Italie, où ils sont bien mal.
On a résolu à Ratisbonne une amnistie générale fort estrange, en estant forclos les Palatins et la Boïme avec les pays qui luy ont esté incorporés. Je vous en manderay les particularités par le prochain ordinaire.11
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 27 Maert.
En in dorso: 13 Martii 1641 Marin.