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Monsieur,
Je voy par la vostre dernière2 qu'on vous desguise fort la vérité de ce qui se passe en Italie, car tant s'en faut que Ivrée soit pris qu'au contraire icelle ville se défend si bravement, qu'on craint que les François ne s'en retirent, ayans esté desjà repoussés souventes fois par les assiégés qui avec leur[s] continuelles sorties leur font du mal. Le prince Thomas y a jetté quelque petit secours de nuict et s'en va joindre avec 4 m. hommes que le cardinal son frère luy envoye pour faire une bonne diversion, pendant que les Espagnols demeurent peu loing de la ville pour y jetter encor plus des vivres, évitant tant qu'ils peuvent la bataille.
On parle et escrit d'Allemagne d'une bataille suivie entre nous et Piccolomini, qui doit avoir esté battu par les nostres, dont en peu de jours nous aurons plus de certitude, et si la nouvelle en est véritable je ne crois pas que la France ottroyera la neutralité aux Contois, pour traitter de laquelle ils ont envoyé tant à l'ambassadeur de France3 à Soleure qu'icy, et en peu de temps on tiendra une diète à Bade4 sur ce suject. La sortie du colonel Guler5 hors du pays dépend de la résolution des communautés des Grisons ausquelles leurs chefs en ont escrit, et ce qu'elles résoudront nous le sçaurons bientost. L'archiduchesse6 ne leur donne pas encor aucune satisfaction et à desseing traîne l'affaire à la longue.
Mon.r le mareschal Horn7 attend quelque favorable responce de Paris sur ses lettres craignant de n'estre pas rammené en Bavière, ce qui faut empêcher.
Ce que j'ay de Constantinople vous le verrez par cy-joint advis.8 Je demeure, monsieur,
tout le vostre
C.M. mp.
De Zurig, ce 13 de May 1641.
Je vous supplie de communiquer les advis de Constantinople à Mon. Salvius9 et en envoyer aussy la copie en Suède, où je continue à solliciter l'argent qu'on me doit.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 5 Iunii.
En in dorso: 13 Maii 1641 Marin.