Monsieur,
Vostre lettre du 22 courrant2 ne me donne aucun advis de la réception des lettres de Mon. le mareschal Horn3 que je vous ay envoyées il y a plus de quatre sepmaines, là où il seroit à propos de luy respondre saltem in generalibus et in spe brevi secuturae suae liberationis, afin qu'il le puisse faire voir aux gens du duc de Bavière et de l'empereur, qui l'ont en soupçon qu'il est luy-mesme qui procure ces longueurs dont ils ne sçavent au vray le suject. Donné-luy donc, s'il vous plaict, quelque responce au plustost, afin qu'elle luy serve d'excuse envers ses malveillans.
Au reste je suis bien marry que le mal de Sedan dure encor, et crain que ces édits4 publiés à mon advis hors de temps contre le parlement de Paris n'y contribuent beaucoup. Vous voyés, Mon.r, ce que l'abus d'une puissance absolue a produit tant en Allemagne qu'en Angleterre et Espagne, et si d'autres n'y prendront point garde, ils pourroyent tomber dans le mesme malheur, car com[m]e un des gran[s] d'Espagne avoit jadis dit au Philippe le Second fort sagement: Dios del cielo es mucho delicado en suffrir compañeros en ninguna cosa, y si los hombres no se tiemplan en hacerse Dios en la tierra, se ha de cansar Dios de las monarchias y barajarlos, y dar otra forma al mondo. Prophétie à la vérité bien remarquable et dont nous voyons à ceste heur les effets.
Les François se consument fort au siège de Ivrée, y ayans desjà perdu environs deux mille hommes et 23 capitaines, et quelques-uns escrivent qu'ils s'en sont retirez pour secourir Chivas assiégé par le prince Thomas, com[m]e vous verrez par cy-jo[i]nts advis5 qui viennent de bonne main.
Chez nous le comte de S. Amour,6 envoyé du parlement de Dôl, négocie pour la neutralité de la Bourgogne, pour procurer laquelle les Suisses ont dereschef escrit en France, l'Espagne leur ayant donné tout pouvoir d'en traitter. Mais je crain que la France n'y voudra point consentir, si nostre alliance avec la France sera bientost conclue.7
Mon.r d'Erlach8 a failli de surprendre Fillingen, dont il a esté repoussé avec quelque perte. Le colonel Guler9 ne peut encor sortir avec son régiment hors du pays, attendant au préallable la résolution des communes sur ce suject, et on croit qu'elle sera en faveur de la France, si l'archiduchesse de Tyrol10 ne leur donne telle responce qu'ils attendent sur le suject de leurs griefs, dont ils ne reçoivent pas encor aucune satisfaction.
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Quelque combat est suivy entre nostre armée et celle de l'empereur, mais nous ne sçavons pas au vray les particularités, que vous sçaurez mieux de Mon. Salvius.11
Je me reccom[m]ande à vos bonnes grâces et demeure, monsieur,
vostre serviteur très-obligé
C. Marin mp.
De Zurig, ce 20 de May l'an 1641.
Les paysans de Berne estoyent venus avec quelque 4m. hommes vers la ville Dun,12 où on avoit emprisonné leur chefs qu'il a falu relâcher, autrement ils n'ont pas voulu quitter les armes.
In dorso schreef Grotius: 20 Maii 1641 Marin.