Monsieur,
Vostre advis qu'il vous a pleu me donner de la consommation de nostre traitté avec la France2 s'accorde avec celuy que l'ambassadeur de France3 a donné à M. les Suisses, qui par ceste nouvelle sont un peu retenus en leur ardeur contre la France. Autrement je crois que les protestans se fussent laissé emporter par des catholiques à quelque mescontentement qu'on continue de donner à la France, à cause de la neutralité de la Bourgogne que les cattoliques luy veulent extorquer par des boutades populaires. Ils sont à ceste heur à Bade assemblez,4 et ont bien de quoy délibérer, tant l'empereur que les estats de Ratisbone les recerchans à vouloir coopérer au recouvrement de l'Alsace et de Hohetvil, conserver par la neutralité ou quelque autre moyen la Comtée,5 et dès aussytost rappeller leur trouppes de la France et ne luy donner plus aucune assistance, veu qu'elle ne ve[u]ille jusques à présent entendre à aucune raisonable paix, dont expressément les su[s]dits estats se plaignent. De ce canton-cy j'ay bonne espérance qu'il n'en fera rien et crois que les autres feront le mesme et en ce point seront désunis des cattoliques qui font le diable en quatre contre nous. Le peuple d'icy est aussy aucunement irrité contre la France, mais j'espère que sa colère passera, surtout à ceste heur qu'ils voyent mal traittés les protestans qui sont dans Rheintal par le baillif de Schoire,6 qui contre les loix du pays fait payer l'ammende à ceux qui se font de la religion des protestans, oultre beaucoup d'autres mescontentemens que le canton de Zurig reçoit des Petis Cantons. Oultre cecy on voit qu'aux Grisons on ne maintient ce qu'on leur a promis, leur députez de Feldkirch7 n'ayans rapporté de leur conférance rien qui vaille. Ils ont traitté sur la ratification de deux partis, et doivent au préallable remettre les cappucins dans l'Engadine basse, refaire leur maisons, cloches et chappelles ruinées, et ceux de 8 Jurisdictions prester l'hommage à l'Austriche et alors qu'on renouvellera avec eux la paix héréditaire de l'an 15188 ce qui ne sera pas à mon advis accepté. Voilà, où sont réduits les pauvre[s] Grisons par le mauvaix conseil de leur chefs, mais justement à cause de leur impiété et avarice abominable. Le colonel Salis9 est rappellé par M. le cardinal, nous verront pour quel suject, moy ne pouvant croire que c'est à cause des Grisons comm'on croit.
On escrit d'une grande somme d'argent que le maréchal de Torsenson10 porte à l'armée.
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Dieu veuille que j'en reçoive bientost ma part, autrement je suis ruiné et de réputation et de moyens. Faites-moy part, s'il vous plaît, des conditions de nostre traitté avec la France, et en combien de temps vos lettres vont et viennent de Suède.Les François ont assiégé Cuneo et les Espagnols tâchent de faire une diversion pour les en empêcher.
Je demeure à jamais, monsieur,
tout le vostre
C. Marin mp.
De Zurig, ce 12/22 d'Aoust l'an 1641.
Je voudrois sçavoir ce qu'on a résolu pour la délivrance de M. le mareschal Horn.11 Je vous reccom[m]ande la lettre pour M. le gran thrésoirier de Suède.12
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 3 Sept.
En in dorso: 22 Aug. 1641 Marini.