Monsieur,
Vos lettres me manquent cest ordinaire, me tenant fort en suspens de ce que je dois attendre de Mon.r Heuf,2 qui à la vérité me devroit accom[m]oder pour le moins de deux cent talers, s'il y avoit quelque compassion en luy envers mon très-pitoyable estat. J'escris dereschef à la reine, et suis très-marry de m'avoir laissé surprendre de l'hyver à cause de tant de bonnes espérances qu'on m'avoit données de tous costés touchant le payement de mes arrière-gages, mais en vain jusques à ceste heure. C'est trop de m'en priver quasiment quatre ans entiers, sans avoir le moindre esgard à tant d'incommodités qui me pressent icy et font crier malheur meslé avec miséréré à toute ma pauvre famille. Certes je n'eusse pas attendu ce traittement de la Suède que je sers avec tant de fidélité qui cause la ruine à ma femme.3
Je vous mande ce que j'ay de Rome,4 et de Hohetvil nous attendons des nouvelles comme réussira le secours que Mon.r d'Erlach5 pense pouvoir donner à icelle place, s'y estant naguerres advancé avec ses trouppes renforcées de deux mille hommes, que le comte de Grancy6 luy a envoyés. Les impériaux sont retranchés à l'entour de Hohetvil et n'ayant rien fait avec leur boute-feu ils veulent employer la sappe et du canon croyans que les nostres ne sont pas en estat de les chasser de leur postes. La milice Grisone n'est point payée dans le Milanois, moins les communes, ce qui cause une générale altération parmy ces peuples-là, se voyans trompés en leur espérance qu'ils avoyent conceue d'estre enrichis par l'argent d'Espagne. Continué-moy, s'il vous plaît, l'honneur de vos bonnes grâces en me croyant toute ma vie, monsieur,
vostre serviteur très-obligé.
De Zurig, ce XI de 9bre s.v. l'an 1641.
On nous escrit que le duc de Parme7 menace d'envahir l'estat de Boulogne ou de Ferrare.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 9 Dec.
En in dorso: 11 Nov. 1641 Marin.