Monsieur,
De trois voyages que vous me mandez par la vostre du 28 passé, que le roy se propose de faire, je crois que celuy d'Espagne aura son effect, les progrez qu'on y fera n'estans si jaloux comme ceux qu'on feroit en Italie et dans la Contée, pour la conservation de laquelle les Suisses s'interessent fort, surtout les cantons alliez avec Espagne, et pour en resoudre quelque chose ils sont assemblez à Lucerne,2 où l'ambassadeur d'Espagne3 leur offre argent pour le payement de ce qu'on leur doit, et monstre la copie du plein-pouvoir4 que son maistre donne à tous les 13 cantons de traitter et conclurre la neutralité de la Comtée, desirant qu'on arreste la levée de France jusqu'à tant que ce traitté soit parachevé. Je crain[s] que cela ne brouille la Suisse, surtout quand la Contée seroit attaquée par les François, les Bourgignons se plaignans fort de leurs hostilitez qu'ils y exercent sans se soucier aucunement de la suspension d'armes que la France a accordée et laquelle les Suisses veulent avoir prolongée jusqu'à la Saint-Jean. De l'un et l'autre on ne voit pas encor de responce de France, avec gran regret des protestans qui apprehendent quelque burasque5 sur leur patrie.
On me confirme de Rome l'excommunication solennelle de monsieur le duc de Parme,6 par laquelle il est declaré coulpable du crime di lesa maestà divina et ses biens devolus au siege
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de Rome et lesquels on commence desja à vendre à l'encant. Si les princes d'Italie ont quelque reste de courage, ils n'abbandonneront [pas] monsieur le duc de Parme, prince si genereux et dont le courage n'est pas susceptible de peur. Sed a principibus tam effaeminatis nescio quid expectandum sit.Monsieur Pepliz7 me mande qu'ils sont in puncto rupturae avec ceux du contraire party, ne pouvans rien advancer avec leurs traittés qui ne sont que des amusemens illusoires. Au reste il me confirme ce dont je vous ay envoyé la copie il y a quinze jours,8 et espere d'estre icy de retour au mois de Mars prochain.
Au reste je vous supplie de seconder mes lettres par vos reccommandations tant en Suede qu'envers le baron Ochsenstirn et Salvius,9 afin que je sois au plustost assisté pour le moins de quelque argent pour avoir de quoy vivre et attendre le payement de ce qu'on me doit. Car autrement, si je suis contraint de partir d'icy, ce sera la closture de mon malheur et la ruine de ma pauvre femme10 et des enfans qui perdront tout ce qu'ils ont des fonds en Valtoline, où faute d'argent je ne puis rien advancer au proces, et de credit je n'en trouve plus icy ayant manqué tant de fois de parole à mes creanciers qui me donnent bien de la peine. Pardonne[z]moy, s'il vous plait, celle que je vous donne continuellement sur l'appuy de vostre bonne affection que [vous] me portez et que je cheris infinement, demeurant toute ma vie, monsieur,
vostre serviteur redevable,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 3/13 de Febvrier l'an 1642.
Les Espagnols publient l'arrivée de leur flotte en Espagne et que Perpignan est secouru et Lerida pris. Cela leur relevera le courage. Venise arme par mer et par terre.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 3 Martii.
En in dorso: 13 Febr. 1642 Marin.