Monsieur,
Mes nouvelles touchant Leipsigh s'accordent avecq les vostres, et je croy que les suittes nous seront avantageuses, principalement soubs la conduite d'un si bon chef. Le desseing de ne mettre pas les armées suedoise et françoise ny trop près, ny trop loing l'une de l'autre est bon et sage.2 Les imperiaux se remettront en peu de temps et pourtant il sera besoing que durant l'hyver la Suede, la France et madame la landgravin renforcent leurs trouppes tant qu'il sera possible. Je croy que ceux de madame la landgravin font des actions bonnes et m'en resjouis et ne laisseray de seconder monsieur Polhem3 en tout ce qui concernera le service de son Altesse.
En noz pays je voy que les sentiments de plusieurs maux ont operé une chose bien difficile, qui est la correspondence entre les villes d'Hollande et Zelande. Certes, s'ils n'ont un besoing tel qu'il Faut de la mer, ils perdront la terre. Mais je n'approuve pas qu'ils s'interessent tant avecq ceux qui se disent le parlement d'Angleterre, puisque leur estat est obligé au roy d'Angleterre par traittez et par les bienfaits de ses predecesseurs. Outre que c'est un grand vice, l'ingratitude, cette conduite les peut faire suspects à tous les roys.4
Icy nous n'avons pas grand changement5 sinon que monsieur le frere du roy viendra demain voir le roy et luy dire, dit-il, des choses estranges. Monsieur de Chavigny a travaillé à ce commencement de reconciliation et travaille aussi pour le duc de Vendosme6 et d'autres pour s'acquerir des appuis. Tout le monde est en peine à cause que le roy se tient fort caché. On parle à la cour d'envoyer une ambassade en Angleterre, croyant que la cessation du trafficq à Londres et quelques malheurs arrivez au party du roy rendront les uns et les autres capables de quelque accommodement, ce que j'ay de la peine à croire. Si ceux d'Escosse s'entremettent, ils feront l'accord aux despens du roy.
On est en alarme icy à cause d'un traitté que le roy d'Espagne veut offrir aux Provinces-Unies.7 On dit que Saragossa est aux Fransois, mais ce ne sont point des nouvelles bien
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asseurées. En Italie les Fransois tiennent Tortona par une bonne garnison de deux mille gens d'infanterie, cinq cents chevaux, et ils se fortifient entre Tortona et Nizza pour s'asseurer du passage. Les trouppes de Milan sont pour la pluspart près de Pontecurona, le pape et le duc de Parme avec sa ligue en tresve. Les gens du duc Charles se sont retirez vers le Rin, les quartiers près de la Moselle estants pris par les Espagnols.Je seray tousjours, monsieur,
vostre tres humble serviteur.
Le 8 [sic] de Janvier 1643.
En plusieurs villes et lieux de France on a fait feux de joye à cause de la mort du cardinal. Le duc de Baviere rappelle ses trouppes du pais de Wirtenberg vers Amberg.
Bovenaan de copie staat: A mons. Vicquefort.