Monsieur,
Je vous envoye la responce que je viens de recevoir de monsieur le comte de Werthaim sur le[s] vostres.2 J'ay remarqué qu'il y avoit de l'erreur dans l'adresse desdittes lettres, et qu'elles estoyent escrittes comme à deux diverses personnes. C'est pourquoy je les ay ouvertes le plus dextrement que j'ay peu, et ayant veu qu'elles servoyent toutes deux à mon desseing, assavoir à luy tesmoigner comme je ne suis pas siche à publié3 la generosité dont il a usé envers moy, je n'ay pas laissé de les envoyer toutes deux après les avoir bien recachetées et avoir fait des excuses sur la difference des adresses, qui est arrivée sans doubte de ce que je ne me suis pas assez bien expliqué dans celles que je vous ay escrites.4
247
Il envoye aussy une copie d'une sauveguarde qu'il a du roy, mais qui n'est qu'en forme de passeport. Vous trouverez en marge ce qu'il desireroit5 qu'y fut adjousté. Je vous supplie, monsieur, d'employer tout vostre credit pour l'obtenir, afin que cela puisse servir à m'acquitter de tant d'obligations. Si vous l'obtenez, je vous prie de me le vouloir envoyer en quelque endroit que je puisse estre, d'aultant que mondit seigneur conte m'a mandé par quelle voye je le luy pourray adresser.Mon malheur me retient encor icy, bienque j'aye esté deux fois en chemin depuis ma derniere du 27 de ce mois.6 Le premier desseing estoit de passer le Rhin entre Worms et Spire, mais venant sur le passage j'apprins que douze cens Lorrains estoyent logez dans les villages de delà la riviere, par lesquels il fault passer necessairement à cause des mantagnes ou des forests. Estant de retour icy je me resolu[s] de l'entreprendre d'une autre façon, esperant despasser toutes difficultez par un grand detour. En cette intention je suis aller passer le Rhin à Mayance et Binguen, ayant resolu d'aller par la montagne vers Deux-Ponts, mais cecy m'a manqué aussy bien que les autres voyes que j'ay voulu entreprendre. Car ayant passé le Rhin et envoyé un homme confidé devant pour recognoistre s'il seroit possible de passer, il me rapporta que tout y estoit plain d'Espagnols qui y font leur[s] recreues, de sorte que j'ay esté heureux d'avoir repasser promtement le Rhin à Baccharach sans avoir esté decouvert. J'ay escrit de cecy à monseigneur le marechal et pour luy tesmoigner la passion que j'ay de rejoindre promtement à l'armée, je luy ay envoyé le chirurgin qu'il m'avoit donné,7 par lequel il aura apprins que tous mes soins ne tendent qu'à me renger dans le service. Ledit chirurgin m'a escrit de Strasbourg qu'on avoit demandé après moy par toutes les villes où il a passé et que particulierement le gouverneur de Speir avoit dit qu'il estoit asseuré que j'estois dans la compagnie des marchands - dans laquelle je l'ay envoyé -, mais qu'il estoit estonné de ne m'y point trouver. C'est de quoy je comprens bien que j'ay esté trahy dès Werthaim, où les ennemis avoyent libre entrée durant le temps qu'ils avoyent assiegé Miltenberg, qui n'en est qu'à deux lieues.8
Monsieur Curtius, qui reside icy de la part du roy de la Grand' Bretagne,9 me tesmoigne beaucoup de faveur en cette affaire, ayant un sien parent - demeurant vis-à-vis de Spire - qui est tousjours aux escoutes des commodités qui se pourroyent presenter pour mon passage, et lequel m'en advise tous les deux jours.
Il y a grande apparence que l'armée pourroit descendre du costé d(e) Mayance.10 Nous avons fort peu de nouvelles d'ailleurs, les postes de Leipsig et Neurnberg n'estant pas encor arrivées. C'est pourquoy je finiray celle-cy, priant Dieu, monsieur, qu'il vous veulle avoir en sa saincte protection,
vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
D. de Groot m.p.
A Francfurt, ce 3me de May 1643.
248
Adres: A monsieur/monsieur Grotius, conseillier de la royne et couronne de Suede et son ambassadeur ordinaire vers sa Majesté tres chrestienne à Paris, au Pré aux Clercs.11
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 13 May 1643.
En in dorso: 3 Mey 1643 D. de Groot.