Monsieur,
Nous avons la confirmation de l'invasion de l'estat du gran[d]-duc par les papalins soubs la conduite des messieurs Griglion et Valencé, qui avec 6 mille hommes ont voulu
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par escalade surprendre la ville de Pistoye,2 l'ayans attaquée de nuict deux fois, mais par la valeur du commandant là-dedans et de la garnison ont esté repoussez et à la pointe du jour s'en sont retirez derechef vers les confins de Boulogne, ayant laissé devant la ville les echelles et quelques petards, qui n'avoi[en]t pas operé à la porte de la susdite ville comme ils s'estoyent imaginés. Dans leur retraitte ils ont saccagé tout le pays d'alentour et par chemin surpris 4 pieces de canon qu'on menoit à Pistoia. Ce resveille-matin fait tenir sur ses gardes les autres villes du gran[d]-duc, qui les pourvoit de tout ce qu'il leur faut et fait des nouvelles levées dans le pays et impose des contributions sur le peuple et la noblesse. D'ailleurs les papalins se renforcent aussy et font estat de retourner dans la Toscane pour l'attaquer de diverses costés, le cardinal Francesco3 estant destiné à faire une diversion vers Sienna, où l'on mande qu'il y soit desja. Voila comme le pape donne de l'exercice à la ligue en un temps, où tout le monde parle de la paix et d'autres nations plus belliqueuses se tiennent en repos. Venise envoye du secours au duc de Modena que le pape menace, et celuy de Parma4 se tient aussy sur le sien en bonne posture. Le passage du baron Copet5 n'est pas encor accordé, ce qui sert fort bien aux affaires de vostre fils arrivé à Venise.6 Le gouverneur de Milan7 visite les places frontieres et les fortifie, ayant pourveu des vivres Santia, et Pondestura tient encor.Je verray ce que le baron Ochsenstirn fera sur vostre intercession, mais nonobstant cela vous m'obligeriez de ce cent dalers que je vous ay demandé,8 surtout si mon secours d'argent n'arrive à temps. Je vous supplie de ne me refuser ceste courtois[i]e, dont je tacheray de m'en revancher, en demeurant, monsieur,
vostre redevable,
C.M. m.p.
De Zurig, ce 19 d'Octobre 1643.
Le pape a renvoyé les propositions du cardinal Bichi9 en France et Espagne pour y cercher quelque moderation en sa faveur. Une partie de l'armée du gran[d]-duc se tient encor sur le Perusien.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 11 No[v.]
En in dorso: 19 Oct. 1643 Marin.