Monsieur,
Ne vous estonne[z] pas, si mes advis d'Italie arrivent un peu tard à Paris, car en mesme temps que nous les avons icy vous les avez aussy, mais il n'importe que je vous
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en mande la confirmation, qui est tousjours aggreable quand elle sert pour nostre advantage.Tout se repose ceste heur es quartiers d'hyver,2 horsmis quelques petites courses qui se font de part et d'autre sur le Perusien, où les Florentins voudroyent assieger La Fratta,3 place forte, où il y a deux mille hommes papalins, mais la saison ne permettra pas qu'ils en viennent à bout, si ce n'est que l'absence du gouverneur de la place face reuscir leur desseing, car en allant recognoistre les environs dudit lieu avec peu de gens il a esté fait prisonnier, dont le gran[d]-duc fait gran[d] cas pour estre de Genes, qui fomente la guerre du pape, et de la maison de Pallavicins, dont ma femme est,4 et ce qu'il vaut plus, il [est] bon chef de guerre, dont le pape se trouve despourveu. Devant Cisterne neantmoins on escrit que les Florentins ayent esté un peu estrillés, ayans voulu assieger la place, dont j'attend[s] la certitude. Les Venetiens ont aussy voulu recouvrer Lagoscuro5 mais en vain, à ce que j'entends. Cepandant le duc de Modene se trouve à Venise avec un plenipotentiaire du gran[d]-duc6 pour y conclurre quelque chose sur le traitté de paix qui se doit bientost faire dans le Mantouan, mais le plus clair voyans en ont peu d'esperance à cause de l'opiniastreté des Barbarins, qui la veulent à leur mode et pour l'extorquer de la ligue font des provisions grandes tant d'argent que d'hommes partout.
Oultre la disgrace de Tutlinghen il y a une autre que nous apporte la prise de Rotvil,7 où il y a eu des vivres pour deux ans, et les François en sont mal contens de ceux qui ont fait la reddition, en quoy je croy qu'ils ont raison. Dieu veuille que la venue de monsieur de Turraine8 y remedie et arreste les desordres qui se sont glissés dans ceste armée vinarienne.
Je n'ay pas encor aucun advis de ce que je dois attendre touchant le payement de mes arriere-gages;9 et nul de nos ministres me veut assister pas d'un liard, ny monsieur l'ambassadeur Grotius, en l'affection duquel envers moy je me suis tant confié. Dabit Deus et hic finem, à la sauvegarde duquel je vous reccommande, et demeure de toute affection, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 7 de Decembre l'an 1643.
Donne[z]-moy, s'il vous plait, advis quand l'argent de France sera payé, puisque le terme eschoit dans ce mois.10
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 1 Ian. 1644.
En in dorso: 7 Dec. 1643 Marin.