Monsieur,
J'appren[ds] fort volontiers par la vostre du 8 de ce mois2 que la disgrace arrivée à l'armée de France delà le Rhin fait roidir le conseil du roy à reparer ceste perte par l'envoy d'un si brave chef3 et d'un secours si considerable, priant Dieu de tout mon coeur que soubs son commandement ceste armée-là puisse mieux prosperer que par le passé. Mais il faudroit que les Suedois avec les Hessiens fissent une bonne diversion de leur costé et le conseil du nouveau general fust composé de telles personnes que tout s'y consultast en secret, car par cy-devant on ne pouvoit rien resouldre dont les Bavarois ne fussent advertis, ce qui a fait croire qu'il y eust quelque secrete intelligence de part et d'autre.4 Or, le duc de Baviere ayant tant de fois trompé la France, peut-estre qu'il en recevra le ‘guiderdon’5 qu'il a mérité.
En Italie tout se repose et la paix s'y advance fort par la diligence du cardinal Bichi,6 qui en a jetté les fondements à Parme et y travaille maintenant à Florence aupres du gran[d]-duc, et il se pourroit faire qu'il vint un tour à Venise, où le duc de Modene est en personne et un plenipotentia[i]re du gran[d]-duc,7 deliberans ensemble tant sur le fait de la guerre que de paix pour disposer toutes choses à en traitter au plus tost, mais du lieu on n'a pas encor convenu. Sur le Perusien on s'entrebat nonobstant l'hyver, les paysans y ayant recouvert quelques chasteaux et y tué ou pris quelques deux cent Florentins, et eux le gouverneur de La Fratta.8 Ils ont voulu finir ceste campagne par la prise de Cisterne et pour ceste fin l'avoyent assiegée, à ce qu'on a escrit de Florence,9 mais nous n'avons pas encor aucune certitude s'ils y sont encor ou qu'ils en ayent esté repoussez par le marquis Mathei, comme on avoit escrit de Rome, de sorte qu'il faut attendre le boiteux pour nous en esclaircir.
Je vous prie de me mander si la France incline à la paix ou à une tresve, et ce que
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nous en devons esperer, car pour moy je ne croy ny l'un ny l'autre, ce malheureux coup de Tutlinghe animant grandement le party contraire à la continuation de la guerre.Je ne reçois pas encor aucun argent de nulle part et suis icy comme un desesperé, sans conseil et moyens de vivre et digne pourtant de commiseration,10 mon petit gage me demeurant derechef en arriere pour plus de trois ans. Dieu me console et vous maintiene en vostre bonheur, moy demeurant, monsieur,
le vostre,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 14 de Decembre l'an 1643.
Les Suisses protestans s'interposent en l'affaire de Tavas11 et pour ce suject sont assemblés à Arau. Ils ont suject de se tenir unis et en paix.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 11 Ian. 1644.
En in dorso: 14 Dec. 1643 Marin.