Monsieur,
Nous debvons esperer que le siege de Gottenburg estant levé2 et par ce moyen noz affaires assez asseurez par terre, la fortune de la mer qui reste ne nous sera pas contraire. L'estat des Provinces-Unies estant fort puissant, mais gouverné par des gens fort interessez, faict voir souventesfois ses foiblesses.3 Hazfeld, selon qu'apprenons icy, est venu en Franconie4 et le duc de Baviere recommande à ceux de ce pays la patience. A Francfort on tient l'alliance entre l'empereur et la ligue avecq le roi de Danemarq conclue pour continuer la guerre jusqu'à la paix commune et travailler afin que chacun recouvre ce qu'il aura perdu par les armes. Si monsieur Coningsmarck se peut joindre avecq les vostres, ils pourront grandement par diversion servir aux affaires de la France. Les advis de Francfort disent aussi que Rakoczy, aiant quitté le siege de Fillec,5 s'est retiré à Cassau et
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attend les resolutions de Constantinople. Les lettres que nous avons de Poulogne nous disent que les levées de Baudis cessent6 depuis la mort de la reine de Poulogne.7Le duc d'Orleans commence à faire travailler aux retranchements autour de Gravelingue, aiant bon nombre des navires sur la coste. Gassion s'y est joinct et on a pillé Cassel proche des quartiers. Partie des ennemis paroist prèz de Dunquercke. La pensée d'assieger Borborg est abandonnée à cause des eaux alentour. Il faudra plus de gens que n'a à present son Altesse roiale - il peut avoir vingt mille - pour comprendre en la circomvallation tant la ville que le fort roial. Cependant les François ont faict un pont sur l'Aa et pris le fort de Baiette et de La Capelle et de Saint-Folquin, et esperent de dessecher par les escluses de terres inondées et faire revenir la riviere derivée en son ancien lict. Le duc d'Orleans a pris son logement entre Gravelines et Dunquercke. Plus que cent personnes sont mortes de soif par les chaleurs passées.
Trois ou quatre cents soldats sont sortis d'Uberlingue. Les Bavarois battent Blomberg, bloquent Hohentwiel et projettent un siege de Neuburg ou de Friburg. Le marescal de Turaine assemble ses gens au Messin,8 attend six mille hommes soubs d'Aumont. Beck attend les gens du duc Charles et quelques-uns d'Hazfeld et de Lamboi. Le duc d'Anguien s'oppose à lui et escript pour avoir du renfort des gens et de l'artillerie.
L'eschec que les Fransois ont receu en Catelagne a esté grand: on croit qu'il y a eu de tués ou prins jusqu'à six mille, combien qu'icy on ne parle que de trois mille. Le marescal de La Motte-Odincourt, voulant empescher le siege de Lerida, a cependant laissé passer l'armée castillane de seize mille hommes la riviere de Segro. Et pensant que ce n'estoit qu'une partie de l'armée l'est allé au devant; ces gens estonnez par le nombre des ennemis et premierement la cavallerie a pris la fuicte. L'infanterie presque toute y est demeuré; quelques-uns se sont sauvez à Cervieda, entre autres le marescal d'Odincourt blessé, comme on dit; d'autres ont augmenté la guarnison de Lerida, qu'on dit estre à present jusqu'à quatre mille hommes, mais mal guarni de vivres. Pourtant il est à croire que cette ville sera perdue avant que monsieur de Villeroi y amene ses trois mille et qu'autant d'autres y destinez arrivent de Languedoc. Philippo Silva commande à l'armée castillane. Le duc de Modene a donné de ses gens à l'Espagnol huict cents chevaux, douze cents à pied et quoiqu'il y ait grand manquement d'argent tant du costé d'Espagne que de France en Italie, ce qu'empesche jusqu'asteure tant le prince Thomas que le gouverneur de Milan d'agir, toutesfois de gens licentiez plusieurs prennent le service d'Espagne, peu de la France.
Les Suisses protestans ont peur des armes de Baviere, qui s'approchent d'eux.9 A Francfort on n'a [pas] mis en deliberation dans l'assemblée la lettre de monsieur d'Avaux. On y dict que la France apporte tant qu'elle peut de retardements à la paix et que dans trois mois on ne peut pas venir à l'affaire principal. Que les electeurs ne veulent nullement que leurs ambassadeurs cedent à ceux de Venise. Que l'electeur de Saxe faict instance afin que l'amnestie recensée soit envoyée à madame la landgrave pour l'attirer à la paix. Que le prince Rakoczy se plainct de ce que les Suedois, qu'il attendoit bien prèz de lui, font la guerre en un autre endroict. Que le comte de Buchain s'estant excusé de l'ambassade de Constantinople, on cerche d'autres qu'on en charge. On y croit que le roi de Danemarq s'est engagé avecq l'empereur et la ligue pour continuer la guerre ensem-
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ble jusqu'à ce que chacun d'eux ait recouvert le sien. Le duc de Baviere avoit escript à ceux de Franconie de souffrir avecq patience le logement des gens d'Hazfeld, qui ne dureroit gueres. On y croioit que le marescal de Turaine ne feroit rien, s'il n'y avoit en bas une autre armée suedoise ou fransoise joincte aux Hessiens. Rosa est allé vers le marescal de Turaine, ayant quitté pour cela le siege de Melisse.Nous apprenons que la reine d'Angleterre est à Excester proche de son terme. Que Jorck est assiegé par les parlementaires et Escossois, et Lima par le prince Maurice. Le bagage du duc d'Anguien a esté pris par les soldats du duc de Lorraine. La Motte-Odencourt a perdu son canon. Ceux de Longuy estans sortis ont esté defaicts par ceux de Dampvillers et de Jamais. Beck aura quatre mille hommes du duc Charles et quelque vieilles trouppes d'Hazfeld et de Lamboi. Le duc d'Anguien pour s'y opposer demande du renfort de gens et d'artillerie. La reine-regente a donné cinquante mille francqs au duc de Guise pour aller comme volontaire à l'armée du duc d'Orleans. L'edict sur les nouveaux bastiments resoit quelque difficulté au parlement. On parle d'une nouvelle imposition sur les carosses. On publie icy que les Portugais ont faict une irruption dans Galisse et pris la ville de Barca. Autres ont advis que le marquis de Taracoussa, general de[s] Castillans, aiant vingt mille hommes, a mal traicté les Portugais.
Je suis, monsieur,
vostre tres humble serviteur,
H. de Groot.
4 Iunii 1644.
Don Jan d'Austria demande passeport pour par la France passer au Pays-Bas.
Adres (op een losse omslag): A monsieur/monsieur Vicquefort, conseiller et resident de son Altesse, madame de Hesse, à La Haie. Port.
In dorso schreef Wicquefort: [Rec.] 10 Juin 1644 M. de Groot.