Monsieur,
J'espere que Dieu accomplira vos souhaits, qu'il vous plait reiterer par vos dernieres du 24 de ce mois, pour la prosperité de mon voyage que j'ay resolu de faire s'il plait à Dieu après la Pentecoste,2 et des raisons qui m'y forcent [je] confereray avec vous de bouche, n'y ayant point d'autre remede pour mettre en bon ordre mes affaires qu'en venant en Suede, et ma goutte m'en empecheroit si je ne le faisois ceste année-cy.
Le duc de Bouillon, accompagné avec 300 chevaux espagnols à Genes,3 de là est allé à Rome, où l'on commence à doubter de la paix, tant à cause de la venue dudit duc à Rome que pour ne vouloir point les Barbarins demolir le fort de Magnavaca.4 Le prince
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Thomas ne fait encor rien,5 monstrant par là qu'il n'est pas en estat de faire du mal à l'Espagnol, qui cependant se remet en estat de soustenir son effort.Il y a advis icy de la surprise de deux regimens bavarois par le colonel Rosa6 à Neustat,7 qu'on dit estre tout à fait taillés en pieces ou pris, mais ce qui se traitte avec le gouverneur de Hohetvil touchant la restitution de la place entre les mains du duc de Virtemberg,8 auquel on promet en ce cas la restitution entiere de ce qu'on luy detient, est de fort gran[d] prejudice au bon party. C'est un malheur qu'on se fie tant aux paroles des Austrichiens sans vouloir cercher sa seureté dans les traittés generaux,9 craignant pourtant que le mauvais procedé dont se servent les estats oppressés en Allemagne ne donne suject à deux couronnes de songer à leurs affaires en postposant ceux d'autruy pour finir une fois ceste guerre, qui a ruiné tant tout le monde, à leur advantage.
Les affaires de Rakozy vont mal10 et on me mande qu'il demande paix de l'empereur,11 se croyant abbandonné de nous. On tient aussy l'alliance de Denemarc avec l'empereur pour conclue12 et partant l'interposition de France rendue inutile,13 car on me mande que ce roy-là s'est obligé de ne donner point de lieu à aucune concorde tant que les Suedois ne quitteront ce qu'i[ls] tiennent en Allemagne. Mais il devroit songer plustost à recouvrer le sien devant que ce qui touche les autres, n'estant pas en estat de faire ny l'un ny l'autre.
Je demeure, monsieur,
vostre serviteur tres humble,
C. Marin m.p.
De Zurig, ce 30 de May 1644.
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Vous fairay bien de reccommander le gouverneur de Benfeld, car on le menace des qua[r]tiers que les François voudroyent prendre en son territoire.14
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 23 de Juin 1644.
En in dorso: 30 May 1644 Marin.