Monsieur,
Je reçois au mesme temps deux des vostres du 27 de Juing et du 4 de Juillet,2 dont je vous remercie, comme aussi de la bonne affection que vous tesmoignez à la Suede.
Il semble que le different de la mer se decidera sur la mer,3 et s'il faut juger selon l'apparence des forces il y [a] de quoi bien esperer pour nous. Mais Dieu en est l'arbitre, lequel je prie de nous donner une bonne paix au lieu de tant des guerres. Icy on nous conseille de nous defaire de cette guerre quovis modo. Je serai bien aize d'entendre de quoi les Provinces-Unies se contenteront. Il me semble tempora agendi perire deliberando.4
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J'ai recommandé avecq grande affection à monsieur le comte de Chavigny5 les affaires presents de son Altesse de Hesse. Monsieur Polhelm m'est suivi.6 Je croi que les estats de Danemarq desirent la paix, mais je m'en doubte si leurs propositions seront telles qu'on les puisse recevoir en Suede; quoique la retraitte de Gottenbourg7 et le manquement d'argent doibt bien abaisser la fiereté des Danois. Je recognois dans toutes les actions des Suedois autant de prevoiance que du courage.
L'opinion est à Francfort8 que Galas va en Pomeranie ou au pays de Breme; que Hazfeld guardera la Franconie avecq une partie de ses gens et avecq une autre guettera les desseings du major Coningsmarck. Le duc de Baviere ne faict poinct d'hostilité à Hohentwiel; assiege Friburg. Le marescal de Turaine a passé le Rin, mais des passages dangereux et la foiblesse de son armée ne nous font pas esperer des succes glorieux. Ceux de La Motte ont faict le desgast dans le Bassigny. Cecy et la presence du duc de Lorraine prèz de son armée sur la Moselle nous font croire que le duc se tournera vers l'Espagnol sans respondre aux conditions nouvelles qui lui ont esté portées de la part de la France par Plessis de Bezanson. Les quatre villes libres continuent leurs deliberations à part à Francfort et veulent faire quelque response [à la lettre] de monsieur d'Avaux que l'empereur appelle seditieuse. De Rakoczy les bruicts estoient divers à Francfort. Plusieurs disoient qu'il se trouvoit en bon estat, defendu par la riviere et la faveur des peuples, mais que l'empereur avoit renforcé son armée, qui est prèz de Cassau, de deux mille chevaux, cinq cents dragons, cent fantassins. Le comte de Jerin devoit partir le 27 de Juing pour voir s'il peut disposer la cour turquesque au repos. L'electeur de Mayence, craignant le marescal de Turaine, retient les trouppes de Rinau et quelques autres prèz de lui.
D'Angleterre nous apprenons que la reine d'Angleterre a esté accouchée non d'un fils, comme on avoit escript, mais d'une fille, et que nonobstant sa foiblesse sa Majesté s'estoit transportée d'Excester, pour n'estre assiegée, vers Falmuth. Du roi on doubtoit si avecq les six mille qu'il [a] avecq lui, il iroit vers Nordhampton ou Licester ou Lincoln; il estoit poursuivi par touts ces quartiers par les trouppes de Waller, Braun et Manchester. On tient Porthlant pris par trente navires des parlamentaires; le prince Maurice [est] en Devon avecq deux mille hommes, contre qui alloit une partie des parlamentaires jusqu'à mille trois cents hommes; une autre en Somerset contre Rafelton, qui avoit là assemblé deux mille hommes pour le roi, mais à qui s'opposoient huict mille du peuple. Que le parlement envoioit vingt mille sterlingh pour fortifier le peuple de west. De Jorck on escript diversement, quelques-uns tenant la ville rendue, les autres qu'elle est minée, mais n'a besoing de rien. Que le prince Robert passe par Cestre, Blacbun, Wanchire pour la secourir, mais qu'une autre armée des parlamentaires le suit. Le comte de Licester, ayant obtenu permission de sortir d'Oxford et incontinent ayant esté pris par les parlementaires, est suspecté par les roiaux.
Plusieurs tiennent icy que Lerida est rendu, quoiqu'on le cache au peuple. Le marescal Gassion a mis trois pieces de canon sur le lieu de la contrescarpe qu'il avoit pris et veut passer par un pont vers la demie-lune et mesmes a commencé à la miner. Le dixieme et onzieme le marescal de La Millerai a mis quatre cents hommes dans un autre lieu de la contrescarpe. Ceux de la ville se defendent bien par canon, granades et autres oevres de feu.
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Le duc d'Anguien a prèz d'Arlon douze mille hommes. On dit qu'il a pris quelque[s] villettes et repoussé Beck. Le duc d'Elboeuf a trois mille hommes prèz de Saint-Quintin, desquels il se servira selon qu'iront les affaires de Gravelinge. On faict icy dix nouveau[x] regiments et pour le[s] vieu[x] des recreues, qui seront assemblez au mois d'Aougst.
Des combats entre les Castillans et Portuguais les bruicts sont fort divers, mais on dit que les Portugais ont levé le siege de Castel Polald en Catelagne et tué trois cents Castillans. Mais les brouilleries qu'ils vont avoir aux Indes orientales avecq les Hollandois sont bien de plus grande importance.9
Si on peut mettre en fumée la defense du cercle de Westfale,10 cela servira à vos quartiers et tant plus si vous vous pouvez mainctenir dans ce que vous tenez dans la Frise orientale.
Je serai tousjours, monsieur,
vostre tres humble serviteur,
H. de Groot.
Le 16 de Juillet 1644.
Je vous manderai encore des nouvelles qu'on faict courir icy, sans en estre guarand: que le duc de Bouillon a eu le titre d'Altesse du cardinal Barbarini, mais que son Altesse n'a peu voir l'Excellence de l'ambassadeur de France; qu'en suitte de la paix restablie on faict la demolition de la part des Barbarins et du party contraire; que le marescal de Turaine a sept mille chevaux, quatre à pied et autre mille pris des guarnisons voisines; que dans Fribourg il y a mille soldats; qu'en Catelagne sont venus ou viennent treize mille hommes par mer, quatre mille par la Vallée d'Andora; qu'outre cela les Catelans fournissent sept mille gens à pied, mille à cheval pour le secours de Lerida; que le prince Thomas mettoit ensemble son armée le troisieme de ce mois et envoioit [huict] mille sacs de bled à Casal et Chivas.
Adres: A monsieur/monsieur Vicquefort, conseiller et resident pour son Altesse de Hesse, à La Haie. Port.
In dorso schreef Wicquefort: [Rec.] 23 Juillet 1644 H. de Groot.