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Monsieur,
La conqueste du marquisat de Baden et d'une quantité de petites places sur les frontieres de la duché de Wirtenberg, dans lesquelles il s'est trouvé beaucoup de vivres pour la nourriture de l'armée, est ce qui a fait resoudre le siege de cette place,2 qui d'ailleurs est assez deguarnie de gens de guerre pour sa defence, n'y en ayant pas plus de cincq cens. Les quatre premiers jours dès nostre arrivée s'estans passé à travailler à nos lignes, la tranchée a esté ouverte le 28me du mois passé, et quelque mauvais temps que nous ayons eu n'avons pas laissé de continuer avec beaucoup de peine ce que nous avons commancé avec une tres grande resolution.3 Cela nous a mené cette nuit sur le bord d'une palissade que les assiegez ont à quatre ou cincq pas de leur fossé, qui est assez large et plain d'eau, de sorte que nous ne pouvons esperer de le passer en moins de six ou sept jours. Les assiegez se servent merveilleusement bien de leur artillerie, tellement que les coups de canon y sont bien plus frequens que ne sont ceux de mousquet, dont ils ne font pas grand miracle.4 Les ennemis cependant se sont logez au dela du Necker,5 proche de Heydelberg, à cincq ou six heures de nous, foibles d'infanterie, qui ne passe pas trois mille hommes, mais avec un corps de cavallerie qui est considerable, consistant en plus de six mille chevaux. Je ne croy pas que jusques à present ils se resolvent à faire effort de nous attacquer, mais plustost qu'ils tacheront de getter quelque[s] gens de guerre dans la place, ce qui leur sera tres difficile. J'espere que dans quinze jours je vous pourray donner nouvelles d'une prise si considerable aux affaires du roy en Allemagne.
Germersheim et Spier se sont rendus au roy,6 le premier par force et l'autre sens au-
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cune resistance; nostre pont de bataux est à un quart d'heure au-dessus de Philipsburg. Les guarnisons lorraines qui estoyent dans Worms et quelques autres places du Palatinat se sont toutes retirées, de sorte qu'il ne nous manque qu'un petit corps d'infa[n]terie de trois mille hommes pour prendre possession de tout le pay[s] à la reserve de Franckendael.7Il vient d'arriver des deputez de Stutgard pour obtenir des sauveguardes.8 Cela vous rendra temoignage de la foiblesse de nos ennemis. Nous avons guarnison à Lichtenau, Pfortsheim, Bretten et Ladenburg, qui est sur le Necker.9 J'espere que Dieu achevera tous ces progres par la conqueste de cette place.
Je suis, monsieur,
vostre tres humble et tres obeissant fils,
D. de Groot.
Au camp devant Philipsburg, le 3me Septembre 1644.
Quand il vous plaira m'honorer de vos lettres, je vous supplie de les donner à messieurs Dupuis,10 qui les adresseront s'il leur plaist à un gentilhomme, leur parent, nommé monsieur Paris,11 qui est à monsieur de Turennes.
Adres: A monsieur/monsieur l'ambassadeur de Suede, à Paris.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 10 Sept. 1644.
En in dorso: 3 Sept. 1644 D. de Groot.