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Monsieur,
Depuis ma derniere que je vous ay escritte2 de Mayance3 nous avons tousjours continué à reduire ce qui restoit dans le Palatinat, à la reserve de Franckendael4 et Creutznach, dont le dernier sera attacqué dans peu de jours.5 Bingen, Baccharach, Neustat, Fridelsheim ont esté rendus partie de bon gré et partie par force.6 Landau est celluy qui a fait le plus de resistance à cause de la guarnison qui y estoit de quatre cens Lorrains commandez par le lieutenant-colonel de Nettin, lequel commança à parlamenter hyer au soir.7 Je ne voy pas que Franckendael nous puisse echapper avec le temps.
On commance à vivre de grand ordre en toutes les places conquises8 et on a fait passer le Rhin à toute nostre cavallerie, qui estoit logée aux environs de Mayance et Bingen, afin de donner lieu aux habitans de faire leurs vendanges et de pouvoir semer leur[s] terres de mesme comme en pleine paix. Je croy que monsieur Paul9 aura sujet d'estre satisfait de tout cecy, d'autant qu'on tient pour asseuré que le Palatinat sera restitué à monseigneur le prince electeur en cas que Dieu nous face la grace de venir à bout de Franckendael. On travaille fort à la citadelle de Mayance et y a-t-on mis cincq cens hommes en guarnison soubs le commandement du vicomte de Courval, qui estoit gouverneur dans Uberlinguen.10 A Philipsbourg il se fait un fort royal sur le bord du Rhin et
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des autres ouvrages autour de la place, où nous avons trouvé le plus grand defaut. Monsieur d'Espenan en est estably gouverneur.11Je croy que vous aurez sceu que le[s] Hessiens en nombre de 1800 chevaux et 1200 hommes de pied soubs le commandement du general-major Geyssen estoyent venus jusques sur le bord du Main, où ils ont petardé Hoest dans le mesme temps que nous nous sommes trouvez devant Mayance.12 Mais les Bavarois en ayant eu advis et ayant detaché d'abord le colonel Sporck avec 600 et peu après Jean de Weert avecq 4000 chevaux, ils ont esté contraint de se retirer promptement jusques à Marpurg, où ils sont arrivez sans recevoir echecq. On escrit maintenant à monseigneur le duc que le comte d'Ebersteyn les a joint avec quatre mille hommes qu'il a ammenez du pay[s] de Coulogne.13
Je croy que nous attendrons le secours que nous emmene monsieur Magalotti,14 et qu'après nous pourrons passer le Rhin et nous joindre avec les troupes de madame la landgrave pour chasser les ennemis dela le Danube et prendre nos quartiers d'hyver dans le Wirtenberg. Monsieur le marquis d'Aumont a esté dangereusement blessé au siege de Landau.15 On dit que le duc Charles et Beck se trouvent aux environs de Treves. Gil de Haes doibt venir joindre l'armée bavaroise avec un corps d'infanterie qu'il mene d'Italie.16 L'electeur de Mayance se tient tousjours à Hermansteyn depuis sa retraitte.17 Il a fait descendre quant et luy le pont de batteaux des ennemis.
Je suis, monsieur,
vostre tres humble et tres obeissant fils,
D. de Groot.
Au camp devant Landau, ce 28me Septembre 1644.
Les Bavarois sont logez sur le Necker entre Hailbron et Heydelberg.18
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Adres: A monsieur/monsieur Grotius, ambassadeur de la reyne et couronne de Suede, à Paris, au fauxbou[r]g Saint-Germain, proche de la Charité.19
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 25 Oct.
En in dorso: 28 Sept. 1644 D. de Groot.