Monsieur,
Mes afflictions domestiques ne me permettent pas de vous escrire beaucoup pour ce coup, me remettant pourtant à cy-jointes lettres que j'envoye en Suède, d'où on nous mande des prodiges qui ayent esté veus à Stokolm, et entr'autres, que dans la sale royale de nuict on a ouy des voix de resjouissance et que le canon ait tiré de soy-mesme avec d'autres circonstances, dont je voudrois estre un peu esclaircy.
Je diffère à escrire à Mon.r le comte2 en Suède, puisque je voy que ses reccom[m]andations n'ayent rien effectué pour mon particulier, estant pourtant en gran perplexité de ce que je dois faire, me voyant de plus en plus engagé dans des deubtes qui surpassent mes arrière-gages, et ce qui m'afflige le plus est que mes créanciers ne me veulent plus fournir aucun argent, voyans que j'ay desjà manqué tant de foix à ma parole, sur laquelle ils ne se peuvent fonder plus, et d'autre costé me voyent si mal traitté de ceux que je sers, que je crois que le moindre prince a plus de soing de son valet qu'on n'a pas de moy qui suis icy establi résidant de la Suède. J'ay escrit à M. Salvius3 pour quelque deux ou trois cent dalers pro interim, mais je
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n'en puis rien tirer jusques à ceste heur, ni de Mukel,4 dont vous pouvez juger en quel estat que je suis icy avec ma famille, surtout à ceste heure que ma femme s'approche de ses couchées, et que je n'ay point des moyens pour me retirer d'icy, ayant, Deum testor, honte de paroistre par la ville, tant suis-je descrié partout à cause de mes deubtes. Si vous pouvez disposer M. Heuf5 à quelque desboursement, vous m'en obligeray grandement. Il ne pourra pas aussy nuire de représenter ma nécessité à M. Salvius, afin qu'il m'assiste de ce qu'il a promis, n'ayant que trop eu patience durant trois ans entiers que je m'entretien avec 8 personnes sans mes gages.Je me reccom[m]ande à vos bonnes grâces et demeure, monsieur,
tout le vostre
C. Marin mp.
De Zurig, ce XI de Mars 1641.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 3 April.
En in dorso: 11 de Mars 1641 Marin.