Monsieur,
Je suis fort marry que vos lettres du 3 de Juin2 ne me portent encor aucune conclusion du traitté avec la France,3 dont le retardement nuit tant et aux affaires publiques et à la délivrance de Mon.r le mareschal Horn,4 qui en est fort en peine et attend avec impatience des meilleures nouvelles de vous, dont je vous supplie à son nom et pour mon particulier. Je com[p]te les jours et les minutes qui me semblent des années, tant que je n'en aye receu advis asseuré, puisque de là dépend aussy le payement de mon change qu'on ne parachève encor.
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Cependant j'ay convié Mon.r le mareschal Horn pour estre compère à mon enfant, quand il sera né,5 attendant de jour à aultre que ma femme s'accouche.Nos Suisses protestans sont à Berne pour moyenner quelque accord entre ce canton et ses sujects, qui sera bien difficile, si messieurs de Berne voudront persister à chastier le[s] plus coulpables sur leur vie et s'ils ne remédieront aux désordres qui se commettent dans leur estat, surtout par les baillifs qui en 5 ou 6 ans se font riches de 40 et 50m. florins qu'ils amassent par des voyes peu louables et qui forcent à ceste heure les paysans à la mutinerie. Cependant il y a en Suisse deux ambassadeurs de l'empereur et du roy d'Espagne,6 qui attendent la diète de Bade qu'on a intimé pour le 21 du courrant s.v. sur le suject de la Bourgogne et de la paix qu'on traitte en Allemagne, mais en effect pour rendre tousjours plus odieuse la France aux Suisses. Le colonel Guler7 se fâche fort de ce que l'archiduchesse8 l'appelle son suject naturel et en escrit à tous les communs, qui n'oseront s'en ressentir n'estans appuyés de personne.
En Italie on se repose de tous deux costés, mais on don[ne]ra bientost une armée à part à Mon.r le prince Thomas pour agir puissemment en campagne et divertir par ce moyen la guerre de Catalogne.
Je demeure, Mon.r,
tout le vostre
C. Marin mp.
De Zurig, ce X de Juin l'an 1641.
Pour vostre information de nos affaires je vous mande mon paquet ouvert, qu'il vous plairra fermer et envoyer en Suède.
Bovenaan de brief schreef Grotius: Rec. 3 Iulii.
En in dorso (tweemaal): 10 Iunii 1641 Marin.